Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


La conservation du patrimoine au Québec: une opinion

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 3 août 2015 9 commentaires

* L’auteur est un jeune architecte talentueux et un ami personnel. Voici son texte.

Retour de vacances et voilà que je vois que deux projets sur lesquels je travaille sont grandement critiqués par certains médias et « militants ».

Jamais je ne pourrai défendre l’indéfendable et je suis moi-même souvent le premier à critiquer ce qui est un non-sens. Je suis donc souvent du côté des opposants, sauf quand ceux-ci sont complètement déconnectés et ne voient les choses que par le prisme d’une idéologie.

Il y a d’ailleurs une idéologie dominante au niveau de la conservation du patrimoine au Québec : celle de la conservation de type muséale ou reliquaire, pour dire les choses poliment.

Autrement dit, nous semblons parfois vouloir mettre les choses dans une cloche sous vide, or c’est une grave erreur. Les reliques mises sous vident tendent souvent à dépérir quant à leur héritage physique et à perdre du sens quant à leur patrimoine culturel.

Une autre vision du patrimoine et de la culture existe, celle selon laquelle, afin qu’un élément de culture puisse être conservé à travers le temps, il faut qu’il demeure vivant et que les gens puissent se l’approprier, physiquement et/ou mentalement. Mais ceci ne doit pas se faire n’importe comment, c’est d’ailleurs ce que prône mon amie Annette Viel qui donne depuis des années des conférences de par le monde sur l’esprit du lieu. C’est d’ailleurs dans cette esprit de culture vivante que les musées se sont tranquillement ouverts au public, c’est aussi dans cet esprit que les projets se pérennisent sans devenir des artefacts archéologiques.

Il n’est parfois pas réaliste, ni nécessaire de conserver les moindres moulures, la moindre poignée de porte, le moindre petit détail, afin que l’esprit d’un lieu et que sa valeur patrimoniale soit conservée. Inutile de mettre notre patrimoine dans un sac plastique étanche à toute transformation/altération, il serait temps que l’on comprenne que c’est parfois justement accélérer leur mort par asphyxie.

Prenons le cas des églises au Québec par exemple, combien de fois les gens se sont levés pour la conservation d’églises dans un état inaltéré, refusant toute transformation, refusant tout investissement du privé. Plusieurs de ces églises sont alors demeurées inaltérées… du moins par la main de l’homme, car elles dépérissent parce qu’on a plus les moyens de les entretenir et de les chauffer, c’est donc par la main du temps et du climat qu’elles finissent en ruine. Et combien de fois, de par ce fait, nous avons perdu des trésors patrimoniaux qui ont dû être démolis parce qu’ils devenaient un danger pour le public?

Ceci ne veut pas dire que tout doit être accepté, ceci veut dire que lorsque l’on s’indigne et veut défendre notre patrimoine, nous demeurions critiques et non aveuglés par un sentimentalisme et une idéologie où au final, à vouloir tout conserver, nous nous retrouvons avec des bâtiments fantômes, dont l’âme s’éteint tranquillement et qui finissent oubliés par la mémoire collective.

Plusieurs villes comme Paris, Berlin, Viennes et bien d’autres avec un patrimoine beaucoup plus riche et ancien osent pourtant jouer de contraste dans la conservation patrimoniale, mixant élégamment nouveau et ancien, ici, nous en sommes encore à une vision Viollet-le-Duc du patrimoine, préférant souvent la Disneyfication à l’innovation.

Voir aussi : Architecture urbaine, Histoire, Patrimoine et lieux historiques.


9 commentaires

  1. Daniel Dufour

    3 août 2015 à 16 h 55

    Dans l’ensemble, cette réflexion se tient bien. Toutefois, toute critique est souvent elle-même critiquable. Bien courtoisement. Ainsi, j’imagine que Violet-Leduc méritait sa part de critiques. Tout de même, c’est assez difficile de qualifier Notre-Dame d’un échec. S’il avait réussit la transformation extérieure qu’il proposait pour Saint-Denis, celle-ci ne s’en porterait également que mieux, bien que ce soit son intérieur qui soit avant tout spectaculaire. Chacun ses goûts, bien sûr, mais si j’étais empereur, avec les ressources d’un empereur, je donnerais beaucoup de contrats à Violet-Leduc, s’il vivait encore.

    Le problème est probablement plutôt qu’on manque d’argent. On est donc pris pour faire peu avec peu. Sous ce rapport, je suis donc plutôt en phase avec l’auteur. Vaut mieux l’audace et les compromis que le rigorisme et la décrépitude.

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  2. «Le» lecteur assidu

    4 août 2015 à 06 h 31

    * Commentaire d’un simple citoyen

    Le fonds du discours se tient.

    Ceci étant établi, un fait demeure, ce n’est pas toujours une réussite.

    À preuve, selon moi ( ! ), la bibliothèque à Montmagny, que j’ai pu «admirer» de l’extérieur, l’été 2014.

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  3. Antoine

    4 août 2015 à 08 h 20

    Excellent article et je dois dire que ce point de vue est plus que pertinent. Nous avons un tel entêtement à juste répéter le passer et à être pris dans son carcan que nous nous oublions. Je reviens d’un voyage en France et le nombre de projets nouveaux contemporains construit sur ou à cité d’immeubles historiques est immense. Les deux cohabitent très bien et la nouveauté parfois même dérangeante dans certains cas, et c’est parfait ainsi, contribue a définir la ville. Vivement plus d’audace et le Québec en a grandement besoin croyez moi !

    Bravo a l’auteur de l’article !

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  4. jac

    5 août 2015 à 05 h 28

    Le « génie-du-lieu » , c’est le baron Haussman .

    On peut dire qu’il a beaucoup détruit dans Paris.
    Mais il a préservé le génie du lieu ; il a préservé l’essence dans une reconfiguration gigantesque.
    Le Paris ancien s’est ouvert sur le Paris moderne!
    ou a l’inverse
    Le Paris moderne s’est ouvert sur le Paris ancien!

    Haussman était génial !
    ———————————————————-

    La ville de Québec est confronté au même dilemme: l’âme de la ville ne doit pas se retrouver que dans un vieux-Québec muséifié et marginalisé…
    L’âme de la ville doit se retrouver dans le « Nouveau » .
    Les nouveaux aménagements doivent compétitionner les anciens;
    La Promenade Champlain doit compétitionner la Promenade Dufferin

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  5. Marc C

    7 août 2015 à 13 h 46

    1- Qui est cet architecte?
    2- tout en étant d’accord sur le fond, je trouve qu’il manque cruellement d’exemples dans cette opinion. Quelles églises ont-elles été détruites parce qu’on ne pouvait la modifier?
    3- De comparer la valeur historique/patrimoniale de la ville de Quebec à celle de Viennes, Paris ou Berlin est ridicule; ces villes ont un ensemble patrimonial beaucoup plus vaste qui leur permet d’insérer des éléments modernes et contemporains beaucoup plus facilement – a quebec, ce type d’insertion apporte obligatoirement un « clash » puisque nous avons un si petit territoire historique. De plus la destruction d’éléments patrimoniaux a quebec diminue la « valeur » de notre ville car ce qui est perdu est rarement remplaçable. Bref, opinion valable mais manque de rigueur +++ et digne d’un manque d’expérience.
    Et en passant Paris n’avait pas le choix pour des raisons hygiéniques et de fonctionnalisme – c’est loin d’être le cas à Quebec!

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    • jfr1954 Utilisateur de Québec Urbain

      13 août 2015 à 01 h 24

      Un des problèmes à Québec c’est que l’on tend parfois à élargir à outrance ce territoire à protéger à tout prix où rien de doit trop différer de ce qui existe déjà. On le voit chaque fois qu’un projet semble détonner trop par rapport au bâti des quartiers centraux (Montcalm, en est le plus bel exemple: pensons à la saga du Georges-Étienne, ou du projet d’agrandissement du IGA du chemin Sainte-Foy qui traine depuis des années). Montcalm (comme Limoilou) a éré dévelloppé après 1900 et a ce titre diffère foncièrement assez peu de bien des quartiers similaires qui se sont développés un peu partout au Canada et aux États-Unis à cette époque et qui ont su oser et innover.

      Quant aux églises détruites parce que l’on ne pouvait les modifier, la liste s’allonge: pensons à Notre-Dame-du-Chemin, rue des Érables, à la jolie première chapelle Notre-Dame-du-Chemin attenante à l’hôpital Courchesne détruite en 1986 (http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=3631699), à Saint-Vincent-de-Paul, sans compter Saint-Coeur-de-Marie qui risque de d’y retrouver compte tenu de sa détérioration qui s’accélère, du sort inconnu qui attend Saint-Jean-Baptiste, Saint-Charles-de-Limoilou et Saint-Francois- d’Assise. Tout n’avait et n’a pas à être conservé à tout prix, mais la liste s’allonge et force est de reconnaître que l’on y trouve quelques éléments marquants du paysage de la ville.

      Nous avons une vision très timorée et osons beaucoup moins, souvent à tort, que les Européens.

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  6. L'architecte

    10 août 2015 à 10 h 08

    Le clash est plus grand ou moins grand dans un plus grand patrimoine historique selon vous? Marc C, votre argument est à l’inverse de la logique et de la réalité des villes détenant un grand patrimoine et qui sont tout aussi frileuses et réglementées, sinon PLUS, vis-à-vis la nouveauté que les villes détenant un petit patrimoine.

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