Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Mort annoncée; Les magasins à grande surface de Québec seront sur le déclin dans 20 ans

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 21 février 2005 12 commentaires

Dans 20 ans, les magasins à grande surface de Québec seront sur le déclin. La population, vieillissante, aura commencé à les bouder et les bâtiments eux-mêmes donneront des signes de faiblesse. Si, bien sûr, les grandes chaînes n’ont pas déserté d’ici là.

Le phénomène des Wal-Mart a beau faire énormément jaser, à peu près tout le monde tombe d’accord pour dire que les mégamagasins sont une mode passagère.

« Avec une population vieillissante, ça va être moins attirant, estime Patrick Simard, ex-président des chambres de commerce de Beauport et de Québec. Est-ce que les personnes plus âgées vont avoir le goût de se retrouver dans des grands espaces, à marcher entre les magasins sur des trottoirs enneigés ? »

Et si la clientèle ne suit plus, les grandes chaînes vont bien sûr mettre les voiles vers des marchés plus rentables. « Pour les promoteurs, ce n’est pas compliqué : on rase et on recommence, dit David Duval, du service de l’aménagement du territoire de la Ville de Québec, citant le cas du défunt magasin IKEA. Ce qui a le plus de valeur, c’est évidemment le terrain. »

De toute façon, les magasins-entrepôts n’ont pas été conçus ni bâtis pour avoir une très grande longévité. « A la base, ce n’est pas prévu pour durer plusieurs décennies, fait remarquer Bernard Auger, directeur du développement économique à la Ville de Québec. Avec le vieillissement de la population, d’ici 10 ou 15 ans ça va déjà être passé. »

La conseillère municipale Odile Roy, elle-même architecte, est convaincue que les magasins-entrepôts vont mal vieillir parce qu’ils sont mal construits. « C’est construit pour 20 ans, note-t-elle. Ils savaient que les mouvements de consommateurs feraient qu’on passerait à autre chose après. »

Ce « autre chose », c’est peut-être le lifestyle center, une formule déjà très populaire aux États-Unis. « Dans les lifestyle, les promoteurs essayent de recréer un quartier, une artère commerciale en banlieue, explique Jean-François Grenier, du groupe de recherche en marketing GéoCom. C’est situé sur le bord d’une autoroute, mais il y a une architecture plus recherchés que dans les power centers. » Au Québec, un lifestyle center pourrait regrouper, par exemple, un Renaud-Bray, un magasin de sport Atmosphère, un cinéma, des cafés.

Les promoteurs immobiliers Geneviève Marcon et Jean Campeau développaient la rue Saint-Joseph au moment où les power centers émergeaient. Ils ont laissé passer le train et en sont bien heureux. « Ça ne me disait absolument rien ce genre de développement, confie Geneviève Marcon. Dans 10 ans, c’est nous autres qui va avoir eu raison. A moyen terme, ça fait du développement plus durable. »

La promotrice immobilière est en effet certaine que les gens vont retrouver le plaisir de magasiner et vont adhérer au magasinage sur rue. « On n’a pas le succès instantané des power centers, mais l’achalandage s’est déjà accru sur Saint-Joseph », fait-elle remarquer.

Gilles Marcoux, président du Regroupement des centres-villes et des artères commerciales, est convaincu que les commerces de quartier ont un meilleur avenir que les grandes surfaces. « En vieillissant, est-ce qu’on va avoir encore besoin de la caisse de papier de toilette ? demande M. Marcoux. Aussi, les jeunes d’aujourd’hui sont plus sensibles à la consommation équitable que ne l’étaient les baby-boomers. Et ils vont trouver davantage ces produits dans les commerces indépendants. »

Gilles Marcoux craint déjà les dommages de l’étalement commercial, héritage des grandes surfaces. « Ce sont des poutres de béton recouvertes d’aluminium, c’est bâti pour être rasable dans 10 ans. Mais les villes auront déjà payé pour l’aqueduc, le transport en commun, dit-il. On va faire quoi avec ces secteurs-là ? »

Au royaume des GÉANTS; Les Wal-Mart et cie ont chamboulé le paysage urbain de Québec

Dix ans après l’arrivée de Wal-Mart à Québec, la madame est-elle contente ? Le géant américain et les autres grandes surfaces n’ont pas causé d’hécatombe économique, ils ont profondément changé le paysage de la ville et pas pour le meilleur. A Québec, le magasinage se fait maintenant d’est en ouest. Et pas n’importe où : le long de l’autoroute de la Capitale. Vous n’avez qu’à suivre les grosses boîtes bleu-blanc-rouge…

Entré chez nous par la porte du défunt Woolco des Galeries de la Capitale le 17 mars 1994, Wal-Mart n’a bien sûr pas importé à lui seul le modèle de la grande surface. Les Club Price et les mégaquincailleries avaient déjà fait pousser en ville quelques gros bâtiments à l’architecture minimaliste, nichés au centre d’une mer d’espaces de stationnement.

Mais Wal-Mart a agi comme locomotive dans les power centres de Gaudarville, Beauport et des Galeries. En fait, il a donné le signal à tous les Reitmans, Mexx et autre New Look. « Les autres se disent quand Wal-Mart est là, ça va bien, on y va », résume Yves Bois, directeur général des Galeries de la Capitale.

Le centre commercial le plus fréquenté à Québec a, dit M. Bois, profité de l’élan donné par l’énorme chaîne de commerce au détail. « Wal-Mart contribue à notre positionnement, note le directeur général. C’est pour ça qu’on leur a vendu un terrain à côté. On ne se serait pas tiré dans le pied ! »

Selon le groupe de recherche GéoCom, spécialisé dans le commerce au détail, il s’est ajouté trois millions de pieds carrés de grandes surfaces à Québec entre 1987 et 2005, l’équivalent de deux Place Laurier !

La tendance est-ouest

Plus de doute possible, c’est l’autoroute de la Capitale qui fait la loi. « C’est une tendance lourde, explique Bernard Auger, directeur du développement économique à la Ville de Québec. Les gens ont pris l’habitude de consommer autour de l’autoroute de la Capitale, d’est en ouest. C’est pas pour rien que Cominar met beaucoup d’énergie sur les Promenades de Beauport. »

Les intervenants interrogés par LE SOLEIL estiment que Wal-Mart et les autres grandes surfaces ont amplifié la réputation de Québec comme destination de magasinage.

Et contrairement aux arguments avancés par certains politiciens, pas au prix, semble-t-il, du sacrifice des rues marchandes. « C’est une analyse simpliste de dire que Wal-Mart tue les artères commerciales, dit Bernard Auger, du développement économique de la Ville. Wal-Mart ne s’est pas adressé aux clients des artères commerciales, mais plus aux clientèles des Zellers et Sears. »

Des bémols s’imposent ; plusieurs commerces ont vu leur chiffre d’affaires baisser – selon une étude de 2003 du Regroupement des centre-ville – et des dizaines de quincailleries de quartier n’ont pas survécu à l’arrivée des grandes surfaces. Des centres commerciaux vieillissants, comme les Galeries Charlesbourg, ont vu leur cas s’aggraver.

Certains fournisseurs régionaux gardent aussi des cicatrices. « Les Wal-Mart n’ont pas la préoccupation de s’approvisionner dans la région où ils sont, fait remarquer Francine Lortie, présidente de la chambre de commerce de Québec. Des fournisseurs s’étaient modernisés pour fournir en gros, mais ont perdu les contrats. »

Politique de terre brûlée

En s’installant dans des champs – parce que ça leur coûtait quatre fois moins cher que dans un centre commercial – les grandes surfaces n’ont pas seulement créé des power centers, ils ont aussi déstructuré des pans de territoire.

« Leur politique de localisation, que j’assimile à de la politique de terre brûlée, nous laisse en héritage des portions de notre territoire qui sont malades et il va y avoir des coûts publics importants pour les revitaliser », affirme la conseillère municipale Odile Roy, responsable de l’aménagement du territoire.

Avides d’attirer des grandes surfaces – avec les rentrées fiscales qui viennent avec – , les anciennes villes n’ont pas hésité à les laisser se construire dans des zones humides, boisées, où le sol n’était pas toujours propice à ce type de développement.

Selon les études faites à l’époque, les constructions étaient fiscalement rentables pour les villes, mais aucun bilan n’a été fait récemment. De plus, ajoute Odile Roy, avant de parler de rentabilité, il faudrait calculer les coûts supplémentaires pour amener le transport en commun à Gaudarville, à Beauport, à Lebourgneuf, de même que les frais pour revamper des quartiers désertés.

Le sud de Beauport, surtout le carrefour de l’avenue d’Estimauville et du boulevard Sainte-Anne, a l’air d’une zone sinistrée, avec les carcasses de Canadian Tire et de Woolco entourées de terrains vacants.

Et ne cherchez pas la caisse populaire ou la bibliothèque dans le centre-ville de Beauport ; ils sont au nord de l’autoroute de la Capitale, près du Wal-Mart.

Les autres power centers ont certainement moins causé de dommages sur leur environnement immédiat, estime Odile Roy. Mais la hausse de la circulation automobile près des grandes surfaces oblige la Ville à élargir le boulevard des Gradins. Et l’imperméabilisation du sol à Gaudarville crée une forte pression sur la rivière Cap-Rouge.

Réglementation

Mieux vaut tard que jamais, la Ville de Québec a adopté il y a quelques mois une réglementation sur les grandes surfaces qui les obligent à s’établir dans les power centers existants ou sur les terrains des centres commerciaux.

Sans l’arrivée des grandes surfaces, les power centers ne seraient bien sûr pas restés en friche éternellement. « Il y avait déjà des projets de centres commerciaux dans le secteur Clémenceau dans les années 70, rappelle Bernard Auger, qui était responsable du développement économique à Beauport. Il se serait développé une structure commerciale. »

Tout ce que la Ville compte d’urbanistes grimace aujourd’hui en lorgnant ces quartiers de grosses boîtes, antiville diront certains. « On a tellement travaillé pour qu’ils s’intègrent mieux à la ville, soupire Denis Jean, du service de l’aménagement du territoire de la Ville, autrefois à Sainte-Foy. On demandait que les cinémas de Duplessis soient beaucoup plus près de la rue, avec des stationnements à l’arrière. Mais vous voyez comment ça a tourné… »


Isabelle Mathieu, 19 février 2005. Reproduit avec autorisation

Le Soleil a également demandé aux candidats à la mairie ce qu’ils pensaient des grandess surfaces. Je laisse cette section là à Clément

Voir aussi : Étalement urbain, Commercial.


12 commentaires

  1. Simon Bastien

    21 février 2005 à 13 h 26

    Il y a vingt ans, la mode était au développement de centres commerciaux intermédiaires de périphéries (place Lebourgneuf, carrefour Neufchatel, etc.). Que reste-t-il de tout cela? Démolis, abandonnés ou à moitié vide!

    Ce genre de développement à court terme va produire le même résultat et va finir par coûter cher à nos villes, autant pour l’aspect urbanistique qu’environnemental, et on n’a pas fini de voir apparaître des coins comme d’Estimauville un peu partout dans la région.

    On a saturé le marché de commerces alors que la demande n’augmente pas, et souvent les concepts de ces développement commerciaux ne sont pas du tout adaptés à notre climat nordique avec ces étendues de stationnements aux grands vents, sans trottoirs, où il n’y a même pas de mails intérieurs qui relient ces commerces (je pense entre autres au power center le Lebourgneuf, à côté de l’Aubainerie). L’expérience de magasinage n’en vaut pas la peine, pour les pseudo-rabais qui y sont souvent les mêmes qu’ailleurs!

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  2. Gwido

    21 février 2005 à 15 h 51

    Solution au problème : transformer ces temples de la surconsommation en méga-résidences pour personnes âgées, dont on aura largement besoin dans 20 ans… N’est-ce pas ce qu’on fait actuellement avec les Églises qui ne servent plus à rien?

    Les temps changent mais se ressemblent. Et on n’apprend jamais de nos erreurs…

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  3. Serge Alain

    21 février 2005 à 19 h 33

    Simon, je suis d’accord avec toi sur toute la ligne.

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  4. Nicolas Tremblay

    21 février 2005 à 22 h 18

    J’aime bien l’idée d’y amener des résidences. On pourrait laisser les power centers là où ils sont présentement, cependant on construit des bâtiments résidentiels et même des parcs sur leurs aires de stationnement.

    De cette façon, ces secteurs deviendront plus vivant étant donné que la population aura la possibilité de se rendre dans ces commerces sans utiliser leur voiture.

    Est-ce qu’il y a quelqu’un qui a un exemple de ville où les power centers ont été réaménagés afin d’en faire des lieux plus urbanisés?

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  5. Simon Bastien

    22 février 2005 à 13 h 16

    Nicolas, en réponse à ta question, on crée aux USA des «Life Style Shopping Centers», où on intègre les grandes surfaces en mettant l’accent sur des commerces de détente et de services à proximité et où on tranforme ces immenses stationnements en ruelles pour circuler. Un genre de centre d’achats à ciel ouvert!

    http://money.cnn.com/2005/01/11/news/fortune500/retail_lifestylecenter/

    Un exemple d’aménagement commercial nouveau genre : http://www.bradleyfair.com/

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  6. Nicolas Tremblay

    22 février 2005 à 23 h 18

    Merci Simon, c’est très intéressant. J’aimerais bien voir ça à Québec également…

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  7. cashou

    23 février 2005 à 06 h 40

    Entièrement d’accord pour la conversion de certaines grandes surfaces en les aménageant pour les personnes âgées et pourquoi pas certaines écoles dont les bâtiments sont à l’abandons. C’est ça que nous aurons besoins dans un avenir pas très lointain.

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  8. Marc-André

    23 février 2005 à 08 h 34

    Ces édifices méritent-ils vraiment d’être recyclés? Il me semble qu’on serait mieux de carrément raser ces bâtiment de très faible valeur.

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  9. JB

    23 février 2005 à 11 h 33

    Les powers centers ne se recyclent pas. Ce sont des contructions non durables, exactement faites pour être démantelées à moindre frais. Je leur reconnais au moins cette grande qualité.
    Non mais imaginez des milliers de personnes âgées relocalisées dans le power center de Beauport ou au bord de l’autoroute Duplessis à Sainte-Foy: bu-co-lique!
    Il n’est pas absolument nécessaire de reconvertir ces immenses ensembles de tôle. Leur absence ne déstructurera pas plus l’ensemble urbain que leur présence.
    Les « lifestyle shopping center » semblent séduisants mais ne font que créer faussement ce qui existe déjà: des centres-villes. Il est vrai qu’il est difficile pour un consorsium de magasins de construire moins de 50 boutiques à la fois… mais les mettre en ville serait plus judicieux. Malheureusement, la valeur des terrains y est plus élevée. Des fois ça marche quand-même.

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  10. Marc-André

    23 février 2005 à 13 h 59

    Gatineau se retrouve déjà avec ce problème. La ville a investi de fortes sommes en infrastructure pour l’installation d’un power center au nord de l’autoroute 50. (échangeur autoroutier, aqueduc, routes, etc.)

    Seuls 2 magasins à grande surface s’y sont installé, un a rapidement fermé (Zellers) et l’autre déménagera d’ici quelques mois (Costco). Le Zellers est maintenant loué par le gouvernement fédéral comme entrepôt. Je ne sais pas ce qu’il adviendra du Costco.

    Au même moment, un autre power center est en pleine expansion et demande des investissements en infrastructure comparable pour résoudre un gros problème de circulation…

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  11. Conrad Sinclair

    23 août 2007 à 11 h 49

    La meilleure idée serait de recréer Le magasin Paquet,le syndicat et le magasin Pollack

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  12. Mikael Neault

    3 décembre 2007 à 13 h 43

    Si nous arrivons a faire décoller un jour les WAL-MART au Québec, on ne devra pa s’attendre a revoir WOOLCO / KMART / WISE et etc… dans le décor il nous on quitté et ne reviendron pas quand nous serons sans grandes surfaces.Nous les avons mal-mené et ce sera a nous de vivre avec.Je me rend compte que plus les années avancent, moin les magasins sont diversifiés: avant on ne les comptait pas sur nos doigts , aujourd’hui par contre les seuls nom qui nous viennent en tete sont WAL-MART / ZELLERS / SEARS / LA BAIE )) PLUTOT MOCHE !, NON ?

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