Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Vivre en ville: le mois le plus long

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 15 avril 2020 1 commentaire

Christian Savard
Vivre en ville

Comment allez-vous? Dire qu’il y a un mois, je vous parlais, inspiré par le printemps qui s’en venait, de l’arbre urbain comme infrastructure verte. J’ai l’impression qu’une éternité s’est écoulée depuis que nous avons décidé de reporter le 5e Rendez-vous Collectivités viables, quelques heures avant que le Premier Ministre en fasse la demande expresse! Bref, j’ai l’impression d’avoir vécu le mois le plus long de ma vie!

Si vous êtes abonnés à cette infolettre, c’est que vous êtes passionnés, ou au moins intéressés par toutes les questions liées à nos petites et grandes collectivités. Certes, les temps sont un peu durs pour les amoureux des milieux de vie à échelle humaine. Disons que les trottoirs bondés de nos rues commerciales, la foule des festivals, le transport collectif achalandé, les marchés publics, tout ça a aussi été mis sur pause, un peu plus que le reste.

Ces temps-ci, (presque) tout le monde se pose la question de ce qui va changer après la pandémie. Allons-nous perdre pour toujours la proximité et ses atouts? L’histoire démontre en fait que les villes ont la couenne dure. Ni les épidémies, ni les bombardements n’ont jusqu’ici pu convaincre les humains de cesser de se rassembler. Le débat public s’est cependant récemment fait l’écho de certaines remises en question de la vie en ville, notamment en matière d’habitation, de mobilité ou de commerce. Tentons une première analyse.

Dans les dernières semaines, certains ont ainsi posé la question du lien entre densité et propagation de la contagion, en appelant à une dédensification de l’habitat. Il faut rappeler que si les grandes villes sont souvent fortement touchées par les épidémies, c’est d’abord parce qu’elles constituent la porte d’entrée des virus. Les ports, les aéroports, les grands rassemblements (congrès, spectacles, évènements sportifs) s’y trouvent pour la plupart.

Ce n’est pas la densité des quartiers montréalais qui en a fait des points chauds de la COVID-19, mais plutôt le rôle central de Montréal dans l’économie québécoise et les nombreux échanges de ses résidents avec l’étranger. Du reste, plusieurs pays asiatiques très denses ont été peu affectés par la pandémie: leur densité n’a pas empêché la mise en place de mesures de distanciation pour freiner la propagation.

Les forces de la densité – économies d’échelle, synergies de proximité, déplacements raccourcis, accès aux services, etc. – vont demeurer des atouts dans le monde de demain. En revanche, la pandémie aura mis de l’avant l’importance de disposer d’un logement de qualité; un besoin encore plus criant en cas de confinement, mais qui reste légitime en tout temps.

Notre passage forcé en télétravail en a conduit plusieurs à prédire un changement radical qui bouleverserait nos habitudes de déplacement. Gardons toutefois à l’esprit que le télétravail est un mode de vie réservé à un nombre limité de catégories d’emploi privilégiées. Et même parmi les travailleurs admissibles, rares semblent ceux désireux ou capables de télétravailler à temps plein. En matière de mobilité, donc, évitons de surestimer les effets potentiels du télétravail.

À temps partiel ou à la demande, le télétravail est une fantastique mesure de conciliation travail-famille; mais nous aurons encore besoin de bureaux et d’infrastructures de transport dans l’avenir.

S’il est, par contre, un domaine où des changements profonds risquent de s’installer, c’est assurément le commerce. La crise aura accéléré le développement du commerce en ligne, dont l’émergence s’observait déjà depuis quelques années. Il y a là un défi à relever pour le secteur commercial, mais aussi pour les acteurs urbains. En effet, le changement des pratiques d’approvisionnement aura des effets collatéraux sur l’occupation du territoire.

Moins de magasinage en personne signifie moins de pieds carrés commerciaux nécessaires. Or, nous avons déjà pléthore d’offre commerciale, et la compétition est féroce entre les artères commerciales traditionnelles, les centres d’achat et les mégacentres de grandes surfaces. Parmi ces acteurs, qui survivra au bulldozer du commerce électronique?

Tant dans les grandes villes que dans les plus petites, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour choisir les types d’offre commerciale à privilégier, et pour soutenir la requalification des espaces commerciaux dévitalisés.

Voilà pour une analyse préliminaire. L’avenir sera sûrement porteur de changements supplémentaires que nous n’aurons pas vus venir; je me donne encore un peu de temps pour mesurer l’impact de cette crise. À Vivre en Ville, nous allons demeurer des observateurs et des analystes passionnés de l’évolution de nos milieux de vie.

Une chose est sûre: nous demeurerons à la défense des collectivités viables, nous appuyant toujours sur la science et la raison, et nous dressant au besoin face à ceux de leurs détracteurs pour qui la pandémie est un prétexte pour les attaquer. Les bénéfices des collectivités viables ne sont en effet pas solubles dans le coronavirus, et nous ne vivrons pas à jamais à deux mètres de distance les uns des autres.

Je vous souhaite, pour finir, bonne santé et bon moral pour les semaines à venir. Prenez soin de vous.

La suite

Voir aussi : Covid-19.


Un commentaire

  1. Che

    16 avril 2020 à 08 h 34

    Le modèle de développement des villes, qui se fait surtout de manière organique (pensez 3e avenue), existent depuis des millénaires. La banlieue existe depuis 70 ans. Le mode de développement actuel, basé sur l’étalement urbain et les méga-projets immobiliers (power center, tours à condo, quartiers de maisons unifamiliales avec des ronds-points) est une expérience relativement nouvelle.

    Dans les prochaines années, nous allons voir si ce mode de développement est viable à long terme.

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