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L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Patrimoine bâti : l’administration Marchand va resserrer l’étau réglementaire

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 23 mai 2022 Commentaires fermés sur Patrimoine bâti : l’administration Marchand va resserrer l’étau réglementaire

David Rémillard
Radio-Canada

Les responsables de bâtiments patrimoniaux partout sur le territoire de la ville de Québec auront bientôt davantage d’obligations. Pour se conformer aux nouvelles normes provinciales, mais aussi pour donner l’exemple, l’administration du maire Bruno Marchand veut serrer la vis aux propriétaires négligents et ajouter des immeubles à l’inventaire de la capitale.

« Québec, c’est le berceau de notre territoire, c’est le berceau de notre identité. Et le patrimoine fait selon moi partie de notre identité », affirme sans détour Mélissa Coulombe-Leduc, en entrevue à Radio-Canada.

Élue dans Cap-aux-Diamants sous la bannière de Québec forte et fière l’automne dernier, la nouvelle responsable du patrimoine au comité exécutif prévoit l’adoption de plusieurs modifications réglementaires dès cette année. « La Ville de Québec se doit d’être un des leaders, certainement, en matière de préservation du patrimoine bâti », insiste-t-elle.

D’emblée, la Ville ne tardera pas à se conformer aux nouvelles exigences de la Loi sur le patrimoine culturel et de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, modernisées il y a un peu plus d’un an. Québec, assure Mme Coulombe-Leduc, ne se contentera pas de faire le minimum et ne va pas attendre l’échéance fixée par le provincial pour agir.

La feuille de route de l’administration Marchand prévoit plusieurs annonces d’ici la fin de l’année, dont certaines dès ce printemps.

« On a l’intention d’aller chercher ces pouvoirs-là dans les prochains mois pour donner plus de mordant à notre réglementation sur le patrimoine bâti ». Mélissa Coulombe-Leduc

Obliger l’entretien

La loi provinciale demande maintenant aux municipalités de se doter d’un règlement d’entretien d’ici 2026. Ces règlements, dont le contenu est à définir par chaque ville ou MRC, visent de façon générale à empêcher le dépérissement des bâtiments patrimoniaux sur leur territoire.

À Québec, la Ville veut forcer les propriétaires à prendre soin des immeubles sous leur responsabilité, même si ces derniers ne sont pas occupés. L’objectif est d’éviter ce qui est communément appelé le phénomène des démolitions « par abandon », un problème cité par la Vérificatrice générale du Québec en 2020.

« Si tu veux tuer ton chien, tu dis qu’il a la rage. En matière de patrimoine, ça prévaut aussi. Si tu veux démolir un bâtiment, tu dis qu’il n’est plus bon », image Mélissa Coulombe-Leduc. Trop souvent, déplore-t-elle, la Ville constatait qu’un immeuble n’était effectivement plus en état, voire non sécuritaire, ne laissant d’autre choix que de démolir.

Ces états de décrépitude avancée, dans certains cas, étaient le résultat de la négligence des propriétaires eux-mêmes, se désole l’élue, rappelant qu’il s’agit d’un problème répandu partout en province. « Souvent, on constatait qu’il y avait des propriétaires qui n’entretenaient pas un bâtiment délibérément. »

La Ville de Québec a présentement le pouvoir d’intervenir lorsque l’état d’un bâtiment compromet la sécurité des citoyens, par exemple. Elle peut aussi exproprier, mais ces démarches peuvent prendre des années avant de se conclure devant les tribunaux.

Elle veut maintenant aller plus loin et se doter de mécanismes d’intervention pour forcer des entretiens préventifs.

« Avant qu’on se rende là, comment on peut intervenir? C’est à ça qu’on veut s’attaquer ».  Mélissa Coulombe-Leduc

Selon Mélissa Coulombe-Leduc, la Ville entend notamment imposer des seuils minimum pour le chauffage d’un immeuble patrimonial inoccupé, ou encore décréter l’interdiction d’ouvrir les fenêtres l’hiver « pour accélérer la dégradation », une pratique semble-t-il connue des instances municipales.

L’élue refuse pour le moment de s’avancer sur les paramètres exacts de la réglementation, toujours en cours d’écriture, ni de dire si l’approche sera punitive, avec par exemple des amendes plus salées pour les contrevenants.

Les nouvelles lois provinciales exigent d’autre part que les municipalités se dotent d’une réglementation sur les démolitions. Dans la capitale, la Commission d’urbanisme et de conservation de Québec, instance unique dans la province, remplit en partie ce mandat, mais uniquement sur le territoire qui lui est assujetti.

« Dans un futur règlement, l’ensemble du territoire de la ville de Québec sera couvert par un règlement sur les démolitions », explique Mélissa Coulombe-Leduc.

Des ajouts à l’inventaire

La Ville de Québec, qui détient déjà un inventaire bien garni de ses bâtiments patrimoniaux, en ajoutera davantage à court terme.

Ces bâtiments se retrouveront sous la responsabilité de la commission d’urbanisme. Mélissa Coulombe-Leduc mentionne entre autres l’addition de bâtiments plus contemporains.

Dans la Loi sur le patrimoine culturel, il est inscrit « qu’une municipalité régionale de comté doit adopter et mettre à jour périodiquement un inventaire des immeubles construits avant 1940 qui sont situés sur son territoire et qui présentent une valeur patrimoniale ».

Il n’y a pas d’obligation au-delà de cette date, bien que toute municipalité « peut également y inclure des immeubles dont la construction est plus récente ». La Ville de Québec travaille actuellement à l’évaluation de certains bâtiments qui seront ajoutés « dans les prochaines semaines ».

Éviter les surprises

Si elle ne peut faire la promesse qu’il n’y aura plus de démolition de bâtiments patrimoniaux à Québec, Mélissa Coulombe-Leduc mise gros sur le dialogue pour éviter de se retrouver « devant les faits accomplis ». Son souhait est que la Ville « ne travaille plus dans l’urgence ».

Pour maintenir les canaux de communication ouverts, une table de concertation a déjà été mise en place avec différents acteurs de la société civile. « Il y a plusieurs experts, plusieurs intervenants, plusieurs acteurs de la société qui interviennent en matière de patrimoine bâti », souligne-t-elle.

La table n’aura pas de pouvoir réglementaire, mais pourra permettre les échanges et les réflexions sur les différentes orientations que souhaite prendre la Ville en matière de patrimoine bâti. L’ensemble des réglementations en cours d’écriture seront, par exemple, soumises à la réflexion de ces partenaires.

Les sociétés d’histoire, des groupes d’intérêts et divers experts pourront ainsi couvrir certains angles morts ou soumettre leurs préoccupations.

La Ville doit également rétablir les ponts avec le diocèse de Québec, avec qui les échanges ont été particulièrement difficiles dans le passé. Mme Coulombe-Leduc veut « voir venir les coups » et ainsi préparer longtemps d’avance la requalification de certains bâtiments excédentaires.

Elle évoque une perspective « de développement durable » et estime que la préservation du patrimoine religieux est nécessaire à la fois pour valoriser le patrimoine bâti que pour desservir les communautés.

Si elle s’engage à en faire plus, la Ville, prévient l’élue, ne peut tout porter seule. À Québec, la responsabilité de protéger le patrimoine bâti est selon elle « partagée » entre les propriétaires privés, la Ville et le ministère de la Culture.

Elle invite finalement à ne pas oublier le gouvernement fédéral dans l’équation, souvent « oublié » mais responsable de plusieurs bâtiments patrimoniaux dans la capitale, dont les Nouvelles Casernes.

L’article

Voir aussi : Patrimoine et lieux historiques.

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