François Bourque
Le Soleil
Pourrait-on imaginer la «gratuité» dans le transport en commun à Québec comme contrepoids à l’attractivité de l’auto?
L’Université Laval s’apprête à offrir cette gratuité à ses étudiants. D’autres villes, comme Boischatel, s’y intéressent.
J’ai posé la question (et bien d’autres) au président du Réseau de transport de la Capitale (RTC), Rémy Normand, dans une entrevue de fin d’année.
M. Normand n’a pas mâché ses mots. «À Québec, c’est encore trop facile de prendre son char».
Essence pas chère, stationnement pas cher, congestion relative. «Pourquoi je prendrais le transport en commun?» demande-t-il en se mettant dans la peau de l’automobiliste.
«Personne ne va s’en aller dans le transport en commun. À moins qu’ils soient congestionnés, que l’essence soit à 3 $ le litre ou que le stationnement soit à 250 $ par mois».
«Quand la pression est trop forte, les gens examinent les options». Sinon, c’est peine perdue.
M. Normand est conscient de caricaturer lorsqu’il pose l’enjeu de façon aussi extrême, mais c’est avec cette réalité que le RTC doit composer.
Il constate aussi que «les gens sous-estiment le coût» de l’auto. Surtout «si môman ou pôpa paye l’auto pour aller au cégep».
Cette réalité n’a rien d’unique à Québec.
Pour essayer de changer la donne, des Villes et administrations publiques se tournent vers la «gratuité». Gratuité pour l’usager s’entend, car dans les faits, aucun service public n’est jamais gratuit.
Boischatel a mis fin il y a quelques jours à son entente avec le RTC. À partir de l’été prochain, elle offrira son propre service local d’autobus avec des véhicules plus petits, plus fréquents et un accès gratuit.
Les usagers ne paieront plus pour prendre les circuits d’autobus locaux, puisque la facture sera assumée par tous les contribuables.
(…)
M. Normand concède que la gratuité est «peut-être une solution» pour le transport collectif. Mais il prévient : «À quelque part, il y a quelqu’un qui va payer».
Les citoyens de Québec assument actuellement 53 % du budget d’opération du RTC (224 M$ en 2019). Le ministère des Transports paie 15 % et les usagers, 32 %.
On est loin de la gratuité pour l’usager, mais ceux de Québec paient moins en proportion que ceux de Montréal (53 %) et moins que la moyenne canadienne (45 %).
(…)
Si gouvernement offrait à Québec de lui payer un métro, il dirait non. «Ce serait jeter de l’argent dans la fournaise», croit-il. «Même sur 100 ans, je ne suis pas convaincu qu’on pourrait récupérer ça».
Il avance trois arguments :
1) La surcapacité. «Juste ça, c’est suffisant pour moi». C’est six fois plus que les besoins de Québec.
«Ça donne rien de s’équiper avec des affaires ultra sophistiquées et ultra capacitaires. Qu’est-ce que les gens vont nous dire après? Quand les rames de métro vont passer vides. Faut voir la mesure de la chose». «Si on avait fait un amphithéâtre de 40 000 sièges, on nous aurait dit quoi?»
2) Les coûts. «Si on embarque les coûts, ça a plus de bon sens». Québec n’a jamais fait d’étude, mais «ça donne rien de faire des études». C’est dans l’ordre de 200 millions $/km, 250 millions $ ou 275 millions $. Une portion à Laval pourrait atteindre 675 millions $. Un tramway coûte environ 50 millions $/km.
3) L’aménagement. «Un tramway, ce n’est pas un petit train pour faire plaisir à tout le monde. On est dans un projet d’aménagement.
On peut pas faire ça avec un métro».
«Un tramway, c’est la capacité de devenir une ville du futur, avec des aménagements conviviaux, à échelle humaine».
*Voici une chronique qui demande vraiment à être lue en entier …