Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


L’avenue Myrand cherche son identité; Les rénovations onéreuses n’ont pas donné les résultats escomptés

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 29 août 2005 6 commentaires


Éric Moreault, 29 août 2005. Reproduit avec autorisation

Rénovée à coup de millions de dollars par la Ville de Québec, l’avenue Myrand n’obtient pas l’affluence populaire espérée. Coincée entre ses jeunes étudiants et ses vieux résidants, elle s’interroge (qui suis-je ? où vais-je ?) et se cherche, sur fond d’incompréhension entre « pure laine » et musulmans. Portrait d’un – petit – désarroi.

Si l’avenue Myrand s’incarnait, elle serait adolescente. Belle, mais maladroite avec ses nouveaux atouts, cherchant à séduire tout en se sentant profondément insécure devant ses aînées de la haute, Cartier et Maguire.

Mais les commerçants qui la bordent cherchent à assurer son avenir et à lui donner des outils pour assurer sa croissance, notamment par la revitalisation du parc Myrand avec l’ajout d’une microscène et de la piscine extérieure du quartier.

L’avenue Myrand, dans le secteur de Sainte-Foy, vit en effet une situation inusitée : « Notre période morte, on vient de la passer, c’est l’été ! » explique Denyse Ouellet, copropriétaire de la Fabrique du smoked-meat.

Même avec un avantage indéniable : « Nous sommes une des avenues où il y a le plus de terrasses en ville », souligne Hughes Gagnon, propriétaire du Cactus, repère des universitaires en quête d’une bière ou d’un snack depuis 15 ans.

Une chance qu’il y a les vastes terrasses, car l’artère s’anime vraiment au rythme des sessions de l’Université Laval et des cégeps. Malgré, ou surtout à cause, du temps splendide, les derniers mois ont été particulièrement difficiles, témoignent d’ailleurs les commerçants interrogés par LE SOLEIL.

Plus-value

D’où l’idée d’une plus-value : on n’attire pas les clients avec du vinaigre. Un amphithéâtre permanent pour la relève dans le parc Myrand générerait de l’affluence, croit l’architecte Martin Houde, président du c.a. des gens d’affaires. « Le concept est bon. Il n’y a pas grand-chose pour la musique à Québec et pas de microscène (à part dans les jardins Saint-Roch). Et c’est en lien avec les médias électroniques du coin (TVA, CHRC et CFOM) », estime-t-il.

Les gens d’affaires aimeraient aussi déménager la piscine du parc Saint-Thomas, qui fuit de partout, dans le parc Myrand. Celle-ci serait intégrée à un concept de parc pour tous. En ce moment, « les 0-5 ans ont des jeux et 60-80 ans ont des jeux », explique M. Houde en riant.

C’est bien beau tout ça, mais il faudrait d’abord qu’on développe un créneau précis. « Quelle est notre personnalité ? » s’interroge François Girard, proprio de Ciné-Cure et vice-président du c.a. des gens d’affaires. Lui et d’autres pensent que les commerces de Myrand devraient se consacrer aux étudiants.

Le futur de Myrand passe par là, estiment-ils. « Il faut que l’Université (Laval) intègre l’avenue dans ses futurs projets. Elle ne pourra pas être indéfiniment une ville dans la ville », estime Hughes Gagnon.

L’idée serait d’en arriver à ce qu’une partie de l’Université se fonde dans la trame urbaine du quartier, un peu comme Harvard Square à Boston, où on passe de la célèbre université à l’avenue, et vice-versa, sans réellement s’en rendre compte. En ce moment, on cherche les accès pour aller de l’une à l’autre.

La suite logique serait une densification des commerces et une plus grande variété, sur la portion entre le chemin Sainte-Foy et l’intersection Myrand-Saint-Jean-Bosco où un Irving fermé depuis plus d’une dizaine d’années défigure le coin. « Ça manque de commerces de détail », souligne Martin Houde. En effet. Il y a beaucoup de restos, mais pas de commerces de proximité en alimentation et peu en services.

Dans ses rêves les plus fous, l’architecte Houde verrait bien une expropriation des résidences qui bordent la rue Saint-Jean-Bosco, dans sa partie parallèle à Myrand, pour y ajouter des commerces. « Y a du potentiel, mais des coûts reliés à ça. »

Il faut dire que l’Université a un plan directeur qui comprend le développement de ses terrains en friche à l’est. D’où un lot de clients potentiels pour l’avenue Myrand. « Les gens d’affaires nous ont présenté un mémoire très intéressant (l’hiver dernier). Il est évident que l’Université veut se rattacher à l’avenue. Et plus il y aura de services, mieux ce sera (pour nous) », estime Claude Dubé, président de la commission d’aménagement de l’UL.

Les gens d’affaires, de même que tous ceux qui sont intéressés au développement du quartier Saint-Thomas, seront invités à participer à des séances « d’urbanisme participatif » qui se dérouleront en septembre à l’UL.

A vrai dire, on n’a pas tellement le choix si on veut conserver la vocation commerciale de l’artère. Car le quartier se renouvelle peu. Les résidences y sont chères et l’école primaire est fermée. Résultat : des deuxièmes ou troisièmes acheteurs de maisons s’y établissent avec leurs adolescents, en raison de la proximité des cégeps et de l’Université. Des gens qui dépensent peu dans les commerces qui ont pignon sur rue en ce moment.

Deux solitudes

Tous ne partagent pas ces idées de grandeur. De la fenêtre de l’épicerie Myrand, Rachid Benamor voit un développement tranquille, à l’européenne, pas à l’américaine. « Quelque chose comme un petit coin latin pour la clientèle locale, qui remplit un rôle utile. »

Ce contraste entre deux visions est à l’image, à l’échelle du quartier, de deux solitudes. On se côtoie sans se fréquenter. « Nous n’avons pas de contact avec l’association des gens d’affaires, confirme M. Benamor. Ils ne nous ont pas approchés et on ne les a pas approchés. »

Car l’avenue Myrand, c’est aussi le lieu d’accueil d’une mosquée, juste en bas du chemin Sainte-Foy, et donc de logements pour nombre de musulmans québécois. A mots couverts, on reproche à ces derniers de ne pas s’intégrer (lire de ne pas consommer dans les commerces de Myrand). Mais « il y a à peu près 90 % de ma clientèle qui est arabe et 10 % de Québécois… et je suis généreux », rigole M. Benamor.

Remarquez que ce dernier, qui s’est établi à Québec il y a 22 ans, sur Myrand ( !), comprend que devant un commerce rempli de femmes voilées et de jeunes barbus, le Québécois moyen « va hésiter à entrer ». « On n’a peut-être pas fait assez pour les attirer en donnant un look qui va plaire aux Québécois. » Résultat : « Ça survit. »

Mais depuis qu’il est devenu propriétaire de cette épicerie méditerranéenne avec Souffian Azzedine, il entend changer la situation.

En attendant, il estime que Myrand est une avenue « prometteuse, mais il faut que la Ville ait une volonté de le faire ». En ça, il rejoint parfaitement les autres marchands de l’avenue – comme quoi, parfois, les différences…

La raison de ce brassage d’idées est simple : la revitalisation n’a pas donné les résultats escomptés. « Mettre des tuyaux et des lampadaires, c’est pas ça qui attire le monde », comme le disait Martin Houde. Même quand ça coûte 5,5 millions $.

Surtout que la cure de jeunesse, qui a duré deux ans, a causé bien des désagréments aux commerçants, en pleine tourmente des (dé)fusions municipales. Parlez-en à Bruno Touchette, le proprio du Grain de sel. « C’était l’enfer. A un moment, je me suis retrouvé avec un trou de 100 mètres, pendant cinq semaines. Le restaurant était inaccessible. Ça a été très pénible. Ça revient, mais tranquillement. La collaboration de la Ville, on l’a plus ou moins sentie. »

Les gens d’affaires de l’avenue Myrand espèrent qu’ils auront une oreille plus attentive et surtout une plus grande implication de la Ville pour les projets futurs.

D’ailleurs, des discussions informelles sur le réaménagement du parc ont eu lieu cet été avec Québec, confirme Jacques Perron. Des pourparlers plus formels se dérouleront cet automne, assure le porte-parole de la Ville.

Le déménagement de la piscine municipale « pourrait être envisageable », surtout s’il y a volonté de s’impliquer de la part des gens d’affaires et de la population. Mais avant de prendre une telle décision, il y aura une consultation publique.

Pendant ce temps, les commerçants et résidants des alentours de la rue Racine, dans le secteur de Loretteville, aimeraient bien avoir ce genre de problèmes existentiels.

Ils espèrent depuis des années une revitalisation maintes fois promise, mais qui ne s’est toujours pas pointé le nez…

Voir aussi : Message d'intérêt public.


6 commentaires

  1. jaco

    29 août 2005 à 12 h 46

    « L’avenue Myrand cherche son identité; Les rénovations onéreuses n’ont pas donné les résultats »

    L’Aménagement , c’est pour dynamiser un milieu…
    Si vous dites, monsieur le journaliste que « l’Avenue Myrand cherche son identité…
    C’est justement dire que les rénovations sont MAINTENANT en train d’opérer dans une dynamique.

    La Dynamique
    -« elle s’interroge (qui suis-je ? où vais-je ?) et se cherche… »

    -« les commerçants qui la bordent cherchent à assurer son avenir et à lui donner des outils pour assurer sa croissance, notamment par la revitalisation du parc Myrand avec l’ajout d’une microscène et de la piscine extérieure du quartier. »

    -« Un amphithéâtre permanent pour la relève dans le parc Myrand générerait de l’affluence, croit l’architecte Martin Houde, président du c.a. des gens d’affaires. »

    -« Il faut que l’Université (Laval) intègre l’avenue dans ses futurs projets. Elle ne pourra pas être indéfiniment une ville dans la ville », »

    Bref, ca ressemble a du « chialage typique » selon la formule :Plus tu chiales , plus tu pourras avoir des subventions…

    Et c’est confirmé , en finale de l’article , par:

    « Pendant ce temps, les commerçants et résidants des alentours de la rue Racine, dans le secteur de Loretteville, aimeraient bien avoir ce genre de problèmes existentiels.

    Ils espèrent depuis des années une revitalisation maintes fois promise, mais qui ne s’est toujours pas pointé le nez… »

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  2. Jean Pierre Chamard

    29 août 2005 à 13 h 26

    Bravo Jaco! Tu rejoins tout à fait ce que j’en pense. Il faut laisser du temps aux gens (citoyens, résidants, étudiants, visiteurs) de se l’approprier. Les rues Cartier et Maguire ne se sont pas faites en une saison.

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  3. Denis

    29 août 2005 à 16 h 00

    Foutaise!

    Il faut laissé au gens le temps de se l’approprié. La réponse des gens est déjà donnés , ils restent indifférent. Probablement que les gens ne comprennent pas.

    Dans, deux ou trois ans lorsque nos grands penseurs réaliseront que ce fut une erreur. Ils n’auront qu’à faire comme St-Roch, sortie des programmes de subventions pour attirer des investissements qui ne viendront pas d’eux mêmes.

    C’est toujours facile lorsque nous imposons nos idées avec l’argent des payeurs de taxes.

    Rêveurs, Rêveurs vous n’êtes que des rêveurs.

    Soyez donc réaliste, c’est une erreur, point à la ligne.

    Il ne faut pas la répéter sur la rue Racine.

    Denis Therriault

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  4. J-P Duval

    29 août 2005 à 16 h 35

    M. Thériault,

    Je suis bien prêt à croire que ce fut une erreur…mais j’aimerais bien comprendre. Pourquoi ?

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  5. Manu

    30 août 2005 à 00 h 09

    Si j’me souviens bien, les plans de résidences de l’Université Laval près de Myrand visent surtout les familles et ménages (généralement des « étudiants internationaux », mais aussi ceux d’auters villes), dont un des conjoints (qui sont parfois déjà parents) étudie à l’université. On retrouve cette situation plus particulièrement aux études graduées.

    Ces gens étant souvent captifs du RTC, ils utiliseraient sûrement au maximum ce que leur offre la rue Myrand, ce qui à mon avis créerait la demande nécessaire pour que les commercent vivent bien ou même s’ajoutent.

    Par ailleurs, on peut aussi s’attendre à une croissance de la quantité de gens musulmans (des « plutôt musulmans » aux « très musulmans ») dans le coin, surtout avec le projet de résidence. Cela ferait de Myrand (et ses environs) un des seuls quartiers ethniques bien défini (c’est encore flou pour l’instant) de la ville. À part le coin viet-namien/cambodgien/… dans St-Sauveur, y a pas grand quartier ethnique à Québec!

    Bien entendu, les débits de boissons n’attirent pas particulièrement les musulmans. Toutefois leur présence n’est aucunement gênante et de toute façon, il y a déjà une bonne clientèle pour ces établissements (c’est pas demain que le Temps Perdu ou le Cactus vont fermer!)

    Cependant, si l’Université Laval ne va pas de l’avant avec ses plans, ça risque de prendre du temps avant que le coin se revitalise.

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  6. Denis

    2 septembre 2005 à 02 h 56

    Dans tous les commentaires, pas un seul n’a parlé de l’accès à Myrand.

    C’est une idée que je n’ais jamais entendu non plus de la bouche de responsable politique ou économique de la rue Myrand.

    Pourtant ceci est la clé ultime du développement de Myrand. Tous ceux qui doivent aller travailler sur cette rue le savent, c’est pas facile de s’y rendre. Quand va-t-on rendre l’accès de cette magnifique rue, plus facile?

    Personne ne parle que Myrand pourrait être relié à L’autoroute dans le nord de la rue, ce qui soulagerait l’autoroute aux moments des heures de pointe au niveau de Saint-Sacrement.

    De plus, une bretelle d’autoroute donnant accès à Myrand serait une occasion en or pour éviter de gaspiller de l’essence dans les bouchons tous les matins du coté de Saint-Sacrement.

    Là, la rue Myrand pourrait être rentable à tous, donnant accès à la haute-ville et à l’université par l’est, directement à l’autoroute.

    Une Saint-Sacrement belle idée, non!!!

    Denis Hautot

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