Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Du gros bon sens et de l’audace

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 14 mai 2020 2 commentaires

François Bourque
Le Soleil

CHRONIQUE / Sortir le pôle d’échange de Sainte-Foy du sous-sol du Phare et le rapprocher de la Route de l’Église tenait du gros bon sens.
Ce scénario révisé va réduire les coûts, accroître la vitesse du tramway, raccourcir le trajet, faciliter les connexions avec les autobus de Lévis et du RTC et simplifier la conception de la station.

Il amène le pôle d’échange au coeur du centre-ville d’affaires de Sainte-Foy plutôt qu’à la périphérie du quartier, adossé aux autoroutes.

C’est en parfaite cohérence avec le Plan particulier d’urbanisme (PPU) de Sainte-Foy qui prévoit un nouvel axe d’urbanisation nord-sud entre Laurier et l’aréna. À la différence qu’on ne savait pas à l’époque que c’est un tramway qui y passerait.

Le pôle Sainte-Foy sera aménagé entièrement en surface plutôt qu’en sous-sol, ce qui permettra un bâtiment lumineux et une simplicité de circulation pour les usagers.

Une partie de la mer des stationnements de surface entre les immeubles d’Iberville et le Canadien Tire va du coup disparaître. C’est une autre bonne idée.

En fait, il y a tellement d’avantages à cette nouvelle localisation qu’on se demande pourquoi le Bureau de projet s’est entêté si longtemps à ne pas l’envisager.

Encore l’automne dernier, lorsque je posais des questions à ce sujet, la ville et le Bureau maintenaient avoir fait le meilleur choix avec le Phare et ne pas vouloir le remettre en question.

La seule explication que je peux trouver est qu’on ne voulait pas alors déplaire au promoteur Dallaire avec qui la ville s’était déjà entendue pour loger chez lui le pôle d’échange.

«Au fil des mois, on s’est rendu à l’évidence», a résumé le maire Régis Labeaume en point de presse mercredi. Rester au Phare devenait impossible au plan technique et financier, a-t-il convenu. Le gros bon sens aura donc fini par l’emporter.

Les changements proposés à la desserte du quartier Saint-Roch sont d’une autre nature. On ne parle plus seulement d’un choix pragmatique, mais d’une vision et d’audace.

Il en fallait pour oser «sortir» la circulation de transit de la rue de la Couronne afin de la réserver au tramway, aux piétons, aux vélos et à des déplacements locaux.

Le résultat s’annonce spectaculaire. La rue de la Couronne deviendra la nouvelle signature de l’urbanité et de la qualité de vie du quartier Saint-Roch.

Le Bureau de projet a amené de «l’intelligence» a noté avec raison le maire Labeaume. «Ça va changer dramatiquement» le «beat du quartier», dit-il. La rue de la Couronne, ce sera «flamboyant».

Un changement tel que «Saint-Roch ne sera plus jamais fragile», prédit-il. «Jean-Paul (L’Allier) avait fait la première partie de la job»; on vient «consolider» et «terminer».

Ça fait une peu présomptueux, de le dire comme ça, mais il est un fait que cela aura un effet décisif sur l’énergie et l’ADN du quartier.

Depuis plus de 40 ans que je conduis, il m’arrive encore parfois de me demander laquelle des rues de la Couronne ou Dorchester est sens unique vers le nord. Il faut que je me concentre pour m’en souvenir.

Il n’y aura désormais plus de confusion possible. On saura que la rue de la Couronne est le joyau de ce quartier.

Outre la reconfiguration des axes routiers, il est prévu démanteler la passerelle aérienne au-dessus de l’autoroute Laurentienne et ajouter une place publique devant le pôle d’échange.

On parle ici aussi d’un «choix politique» qui va changer le visage du secteur et renforcer la vocation de boulevard urbain pour l’extrémité sud de l’autoroute.

Penser y faire sortir le tunnel du MTQ en provenance de Lévis n’en deviendra que plus incongru. Pour ne pas dire irresponsable.

Des automobilistes devront revoir leurs habitudes et leurs trajets. Il en sera ainsi un peu partout le long du trajet du tramway. Ici, des interdits de virages à gauche. Là, des intersections où il ne sera plus possible de traverser, des sens uniques inversés, etc.

Le prix à payer sera parfois une hausse de la circulation de transit dans des rues résidentielles. C’est regrettable. Sans compter les inconvénients pendant les chantiers. Mais on ne peut pas penser transformer la ville sans déranger quelques habitudes.

Ce qui doit guider les choix, c’est d’abord la recherche de l’intérêt commun. On voudra ensuite, dans la mesure du possible, essayer d’atténuer les impacts négatifs lorsque des intérêts particuliers s’en trouvent lésés.

Échaudée par l’aventure du Phare, l’administration Labeaume reprend le plein contrôle de son projet et se recentre sur les «fonctionnalités» du transport en commun.

La vision initiale de pôles d’échanges construits avec le privé et offrant une variété de services (cafés, dépanneurs, nettoyeur, boutiques, garderies, bureaux aux étages supérieurs, etc) n’est plus à l’ordre du jour.

Je trouve ça dommage.

On s’était fait à l’idée de ces lieux de transit animés pour occuper le temps avec des espaces de détente et services de proximité sur le chemin du travail, de l’école ou du retour à la maison.

Le maire Labeaume, qui s’était fait le grand promoteur de cette vison a changé d’idée. «J’ai déchanté», dit-il.

Il a donné plusieurs explications :

1- Avoir les «mains libres» et être «indépendant»; ne plus dépendre du rythme et des intérêts de promoteurs privés. On est d’accord avec lui.

2- Les règles de financement fédéral font que les dépenses pour grossir les stations et y loger des services privés non liés au transport n’auraient pas été admissibles. Je ne connaissais pas cette règle.

3- Québec dit vouloir se «plier à des règles de sécurité» et à une tendance dans le monde à construire des stations lumineuses où les gens ne s’attardent pas et où il n’y a «aucun lieu pour se cacher».

Va pour des stations lumineuses, mais c’est la première fois que j’entends parler d’une «norme» ou d’une tendance de sécurité visant à aseptiser les stations de transports collectifs.

J’ai posé la question à Christian Savard, le dg de Vivre en Ville qui est habituellement bien renseigné sur ces choses. Jamais entendu parler non plus, dit-il.

Si tendance il y a, elle ne s’est pas rendue à ses oreilles encore. La tendance connue en sécurité est plutôt que plus un espace public est habité et animé, plus il est sécuritaire.

4-La viabilité commerciale n’est pas toujours au rendez-vous dans les stations de transports collectifs. Hors des heures de pointe, l’achalandage est plus modeste, a-t-on constaté dans d’autres villes canadiennes.

C’est là que des bureaux ou services aux étages supérieurs pourraient faire une différence. Québec a cependant choisi que ces commerces seront construits dans d’autres immeubles. Souhaitons que ce ne soit pas trop loin des stations.

La question allait finir par venir.

Et la COVID? La pandémie, la peur du transport collectif, la croissance probable du télétravail, le ralentissement économique. Le projet de tramway est-il toujours aussi pertinent?

«Encore pertinent», dit croire le maire Labeaume. À cause de la hausse de population et des nouveaux déplacements à venir. Et même si cette hausse était moindre que prévu à cause du télétravail, les gens se questionneront.

Voudront-ils payer une deuxième voiture qui restera à rien faire deux ou trois jours par semaine? Le transport collectif pourrait alors y gagner.

L’argument est intéressant.

Encore plus si cela permet de changer le paysage et l’énergie de la ville. Je sais qu’il faut se méfier des dessins d’artistes qui servent à vendre les projets, mais il me semble que j’ai déjà hâte d’aller marcher sur la rue de la Couronne qu’on voit sur l’image. J’aurai l’impression d’être un peu ailleurs. Quelque part en voyage.

La suite

Une entrevue avec Daniel Genest, directeur du projet du réseau structurant Radio-Canada.

Voir aussi : Projet - Tramway.


2 commentaires

  1. Che

    14 mai 2020 à 14 h 24

    Pour St-Roch : Définitivement un plus pour le quartier et les utilisateurs des transports actifs. Un pas de plus vers la transformation de Laurentienne en boulevard urbain, car dans sa forme actuelle, l’autoroute a une capacité excédentaire par rapport à la future rue Dorchester, qui va tomber à un étroit deux voies par direction.

    Pour Sainte-Foy : Je suis partagé par le nouveau pôle d’échange. D’un côté, le trajet plus direct est définitivement mieux que le détour par le phare. Par contre, je suis déçu de voir qu’il va s’agit d’un bon vieux terminus d’autobus avec pratiquement autour. La justification fournie (sécurité) n’a aucun sens. Ce que je vois, c’est qu’un lieu qui sert juste de terminus n’est pas tellement agréable et sécuritaire (voir terminus Beauport). Au contraire, il faut avoir de la vie autour pour que ce soit attirant. Quelqu’un avait donné l’exemple des gares au Japon dans un autre billet, où il y a toujours des commerces autour. C’est un très bon exemple et j’ai toujours souhaité avoir ce modèle ici.

    Je ne suis pas fan d’avoir un pont d’étagement en pleine ville. On dirait que l’administration tient mordicus à conserver le boulevard Laurier en tant que quasi-autoroute dédié aux voitures. De plus, on veut agrandir Hochelaga et on mentionne dans la conférence de presse qu’il n’y aura pas de voies réservées, ni sur Laurier, ni sur Hochelaga. On passerait donc de 9 à 12 voies réservées aux automobilistes ! Bref, qu’on arrête de dire que l’agrandissement de Hochelaga c’est du transport en commun !

    Enfin, c’est bien de faire un pôle d’échanges pour les autobus de la rive-sud, mais on ne leur prévoit pas de voies réservées pour ne pas qu’ils soient pris dans le traffic sur Laurier.

    Bref, deux secteurs, deux visions différentes.

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  2. Jean François Côté

    14 mai 2020 à 16 h 27

    Hier la présentation concernant la rue de la Couronne a fait ma journée ! J’habite St Roch et je suis tellement emballé par le projet de tram à Québec .

    Convaincu que ce sera un succès comme l’a été le métro à Montréal . Dans les villes importantes on est rendu là . Le nier comme le fait Gosselin est de la pure démagogie et à la limite de la malhonnêteté .

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