Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Parfois, c’est la taille qui compte

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 13 novembre 2018 6 commentaires

Christian Savard
Vivre en ville

Le quotidien de la plupart d’entre nous se partage entre les lieux incontournables que sont le travail et la maison. Deux autres équipements sont par ailleurs étroitement imbriqués dans nos vies: l’épicerie, pour des visites au moins hebdomadaires, et l’école, chaque jour durant de nombreuses années. Mais l’avez-vous remarqué? Il est de plus en plus rare de pouvoir se rendre à pied, ou en moins de trois minutes de voiture, à ce qui devrait pourtant être des services de proximité.

La tendance à des formats de plus en plus gros, aussi bien pour les écoles que pour les épiceries, est une des causes de cette situation qui a plusieurs conséquences regrettables.

Je participais récemment à un comité sur le réaménagement d’un secteur dans une ville de la banlieue de Montréal. J’ai été surpris d’apprendre que la commission scolaire planifiait le développement de nouvelles écoles primaires de quatre classes par niveau, soit près de 1000 élèves. Le bassin de recrutement d’une telle méga-école est tellement étendu que le seul moyen de la “remplir” sera d’acheminer par autobus scolaire des élèves qui, pour la plupart, viendront de trop loin pour pouvoir s’y rendre à pied.

Au même moment, le mandat de notre comité était d’aménager un milieu « marchable ». Mais marchable pour qui, si les distances y sont de toute façon trop longues pour la plupart des gens? À l’heure où on promeut l’activité physique, priver les jeunes d’un déplacement actif au quotidien est complètement contradictoire avec les cibles de santé publique.

À quelle étape de planification de la couverture scolaire avons-nous oublié le principe d’« un quartier, une école »?

Nous sommes obligés de faire avec les établissements déjà construits, mais il est encore temps de redresser la barre pour ceux qui sont à bâtir.

LE CAS DES ÉPICERIES

Au Québec, si 6% de la population vit dans un désert alimentaire – 13% en milieu rural –, c’est en partie parce que les épiceries sont de plus en plus grosses. Pour une grosse épicerie qui ouvre en périphérie, c’est souvent deux moyennes qui ferment au cœur des milieux de vie. Le large bassin de clientèle d’une grosse épicerie sera généralement forcé de s’y rendre en voiture. Pour un panier d’épicerie potentiellement moins cher, quel impact sur le bilan de gaz à effet de serre?

D’autant plus que l’épicerie ne part souvent pas seule. Elle entraîne avec elle les autres commerces, des restaurants et des services et activités de loisirs, qui voudront profiter de son achalandage.

Une épicerie de taille moyenne pouvait facilement s’intégrer dans un noyau villageois ou sur une rue commerciale. Une méga-épicerie, en revanche, aura besoin d’un méga-stationnement, construit à même des terres agricoles ou des milieux naturels, et créant un milieu absolument hostile aux piétons.

Nous parlons souvent, dans nos conférences, de l’objectif de bâtir des « milieux de vie complets » où la plupart des services sont accessibles à pied, et cette idée plaît à une écrasante majorité. Impossible d’avoir cette vie de proximité sans école et sans épicerie. Impossible de répartir équitablement ces services s’ils sont surdimensionnés.

Construire et laisser construire des écoles et des épiceries trop grosses, c’est vider des villages et des quartiers de leurs services de proximité.

Pour les municipalités, c’est un superbe défi de réglementation et de courage urbanistique que de reprendre le contrôle de la taille des épiceries. Le format des écoles, quant à lui, doit faire partie de la réflexion sur une meilleure intégration des établissements au milieu, une réflexion qui devrait mobiliser à la fois le ministère de l’Éducation, les commissions scolaires et les villes.

Nos villes et nos milieux de vie sont faits de leurs équipements, tant publics que privés. Pour bien les répartir, nous devons aussi remettre en question leur taille. Car elle compte.

La suite

Voir aussi : Architecture urbaine.


6 commentaires

  1. Jp-Duval

    13 novembre 2018 à 20 h 56

    En ce qui concerne les épiceries, j’inviterais l’auteur du texte a faire une petite recherche sur cette industrie. Il commet l’erreur de juxtaposer un modèle d’affaire qui était viable en 1970 avec le modèle actuel qui vit une période de déflation.

    L’auteur devrait s’informer sur les éléments suivants;

    – Les marges de profits ne sont plus celles des années 70.
    – L’offre de services ( choix des produits, variétés, mets préparés etc) que désire la clientèle n’est plus celle des années 70’s. Les petites surfaces ne peuvent plus répondre aux besoins des nouvelles réalités.
    – Au fil des années on a assisté à la disparition d’un grand nombre de magasins indépendants ou de petites bannières composées de quelques magasins. ( Ex. Jato, Dallaire, AVA etc.) Ces bannières ne pouvant plus suivre le marché ont disparu de la carte….Beaucoup de ces magasins étaient des commerces de proximités.

    – Le profit des compagnies ( Métro, IGA-Sobeys, Loblaws) provient principalement du développement du parc immobilier. Un exemple, celui de Loblaws. 47 % es actions de cette compagnie sont détenue par la société mère Weston. Le parc immobilier de cette compagnie est Choice properties et c’est cette dernière division qui génère de bons profits qui sont ensuite versés à Loblaw ainsi qu’a Weston. C’est donc le parc immobilier qui devient important…..Malheureusement, le développement de ce parc ne peut se faire en étant locataire d’un petit commerce au centre-ville. Pour devenir propriétaire d’une surface importante il est impératif de développer non pas seulement une épicerie mais plutôt un ensemble immobilier ou l’achalandage de l’épicerie permettra de louer des locaux voisins qui lui appartienne. Il n’est guère possible d’appliquer ce modèle d’affaires en milieu urbain ou les terrains sont trop petits.

    Il est bon de retenir qu’a la base de ce phénomène on retrouve une compétition féroce qui force les prix à rester bas. Le client achète un prix et la bannière qui n’offre pas le prix le plus bas est boudé par le consommateur.

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    • Dede Utilisateur de Québec Urbain

      14 novembre 2018 à 07 h 11

      Bonjour,

      Par contre il existe encore certaines épiceries de quartier. Exemple le Provigo au 3440 Chemin des Quatre-Bourgeois. Il y a beaucoup d’appartements en face et derrière, trois blocs de loyers à prix modiques, les bureaux d’élections Québec et le nouveau site La Vigie qui ouvrira en 2019. Beaucoup de citoyens du coin n’ont pas de voitures donc cette épicerie de surface moyenne a de beaux jours devant elle.

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      • Jp-Duval

        14 novembre 2018 à 09 h 21

        C’est sur que les emplacements comme celui de ce Provigo sont intéressant et que les compagnies qui les possèdent ne vont pas les fermer…

        Mais il ne faut pas oublier que la construction de cet emplacement remonte aux années 70’s. À une époque ou le développement domiciliaire que vous décrivez n’avait pas encore eut lieu.

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    • PPDaoust

      14 novembre 2018 à 09 h 11

      Aujourd’hui, les urbains sont motorisés plus que jamais, leurs emplois et activités étant aujourd’hui parsemés sur un plus grand territoire, il peuvent comme tout le monde profiter des économies qu’offrent les grandes surfaces.

      Je suis le premier à promouvoir les propositions de Vivre en ville sur ce blog. L’idée selon laquelle l’école de quartier est importante et primordiale pour le développement de collectivités viables est 100% pertinente. Mais lorsqu’on parle des épiceries généralistes ou du commerce de détail (c’est encore pire), je trouve que ça colle moins bien au contexte actuel.

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    • PPDaoust

      14 novembre 2018 à 09 h 15

      Commentaire intéressant. J’ai appris quelque chose. Merci.

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    • PPDaoust

      14 novembre 2018 à 09 h 26

      Merci M. Duval. Commentaire éclairant.

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