Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


La «monoculture du tourisme» dans le Vieux-Québec

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 25 juillet 2020 3 commentaires

François Bourque
Le Soleil

Le Vieux-Québec est-il allé trop loin dans la «monoculture du tourisme»?
Le mot, largué la semai­ne dernière dans une entrevue à La Presse, est fort. Trop peut-être, mais il force à réfléchir en cet été de désolation où le vieux quartier se sent abandonné par ses visiteurs.

Cette pandémie n’a été voulue par personne. On est tous attristés et solidaires des difficultés des marchands. Mais il y a dans cette traversée du désert une occasion à saisir pour le Vieux-Québec.

Le contexte est nouveau, mais le débat ne l’est pas. Voici plusieurs décennies maintenant que des résidents s’inquiètent du déséquilibre grandissant entre la fonction résidentielle du quartier et le tourisme.

Une longue érosion de commerces et services de proximité (épiceries, boucheries, quincaillerie, etc.) pendant que se multipliaient les chambres d’hôtels, galeries, boutiques de souvenirs, restaurants, etc.

Le Vieux-Québec a encore des écoles et des garderies, mais on y vient porter les enfants en auto.

Des résidents ont tenté de sonner l’alarme depuis quelques décennies, mais leur voix s’est perdue dans le fracas des célébrations et des records d’affluence dont Québec s’enorgueillissait.

Le Vieux-Québec roulait sur l’or, à l’image de l’économie de cette ville.

Le point de bascule s’est proba­blement produit quelque part autour de 2008, avec les fêtes du 400e, l’arrivée d’une nouvelle administration à l’hôtel de ville et l’explosion du tourisme de croisière.

On s’est mis à carburer aux succès et reconnaissances internationales.

La chute est aujourd’hui brutale. La chaîne touristique s’est brisée. La fermeture des frontières a vidé les hôtels, ce qui a vidé les restaurants, les boutiques et les attractions. La fermeture des bureaux a fait le reste.

Le Vieux-Québec a souffert plus que d’autres quartiers et rues commerciales qui avaient continué au fil des ans à servir une clientèle locale.

«On est allés trop loin», perçoit Jacques-André Pérusse, directeur général de la Société de développement commercial (SDC) du Vieux-Québec. C’est lui qui a lancé l’expression «monoculture touristique».

Il avait prévenu les commerçants à son arrivée à la SDC, il y a deux ans : «Vous vous fiez beaucoup sur les touristes et les croisières». Mais comme ça fonctionnait, «on n’avait pas besoin de réfléchir». La pandémie lui aura donné raison.

«Une dépendance au tourisme très grande», constate aussi Étienne Berthold, chercheur au département de géographie de l’Université Laval et résident du Vieux-Québec.

Une «monoculture du tourisme»? «L’expression est forte, estime M. Berthold. Mais comme résident, chacun réfléchit à ça».

Sur la devanture du Petit Coin Latin, rue Sainte-Ursule, un nom inspiré par l’ancienne vocation étudiante du quartier, cette invitation au-dessus de la fenêtre : «Have a break. Enjoy our meal». Ça dit beaucoup.

Michel Masse est président du Comité des citoyens du Vieux-­Québec et guide touristique. Rien contre les touristes donc, mais il croit lui aussi à un équilibre.

«On est allé trop loin», croit-il. «Depuis un bon 10 ans, une tendance lourde au tout au tourisme. Avant la pandémie, les gens d’ailleurs [NDLR : hors du quartier] ne s’en rendaient pas compte», analyse-t-il. «Là ça saute aux yeux.»

Beaucoup de commerçants et de restaurateurs du Vieux-Québec ont misé sur le volume et sur l’argent facile d’un tourisme de masse rapide.

Ils ont multiplié une offre commerciale de moins en moins distinctive : crèmeries, t-shirts et souvenirs, menus passe-partout, etc.

(…)

CINQ IDÉES POUR UN QUARTIER PLUS HABITÉ ET RÉSILIENT

De mes conversations des derniers jours, j’ai retenu cinq idées pour un quartier plus habité et résilient.

1. Modifier l’image du quartier

Le Vieux-Québec est perçu par plusieurs comme le quartier des touristes. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas que ça. L’Office du tourisme a recentré ses campagnes cet été vers les «visiteurs» locaux. «Redécouvrez votre ville». C’est un bon filon. Corriger la perception que le stationnement est difficile. Changer les habitudes d’aller dans le Vieux juste pour un festival ou quand on reçoit de la visite. Miser sur la beauté du lieu. Qui sait, revenir à l’esprit du vieux quartier bohème où on prend le temps de ralentir et de traîner. Privilégier un «tourisme» de longue durée plutôt que le fast food et les hits and run. Les visites et séjours au monastère des Augustines en sont un bel exemple.

P.S. : Pour attirer des familles locales (et d’autres), il faudrait davantage de toilettes publiques.

2. S’attaquer à l’hôtellerie illégale

Les pouvoirs publics doivent montrer plus de détermination dans la lutte contre l’hôtellerie illégale, plutôt que de s’en remettre aux plaintes des résidents. Tout le monde est d’accord pour qu’un citoyen puisse offrir occasionnellement son logement en Airbnb. En faire une «entreprise» commerciale est autre chose. Cela a pour effet de réduire les logements disponibles pour des résidents permanents.

3. Attirer de nouveaux résidents

Plus facile à dire qu’à réussir. L’administration Labeaume vise 500 résidents de plus. Le coût d’acquisition des immeubles est cependant élevé et celui des loyers aussi. Pourrait-on imaginer des programmes d’aide particuliers au Vieux-Québec pour l’accès à la propriété ou au logement? Des villes en Europe achètent des logements pour les céder ensuite à prix abordables à des résidents.

Des propriétaires d’immeubles trouvent plus payant de laisser des étages vacants ou de s’en servir à de vagues usages d’entreposage, plutôt que d’y aménager ou entretenir des logements. Il y a peut-être une fiscalité à revoir pour forcer ou inciter ces propriétaires à bouger.

4. Améliorer les services de proximité

L’offre d’alimentation reste la principale lacune dans le Vieux-Québec. Les bannières boudent le quartier, estimant ne pas y trouver la masse critique de clients locaux et, faute de stationnement adjacent, ne pas pouvoir compter sur des clients d’autres quartiers. Tout le monde en est conscient, mais on n’a pas pris les moyens pour briser le cycle et faire aboutir un projet. C’est le rôle de la Ville, je crois.

5. Réglementer le flux touristique

Ça fait drôle de parler de ça cet été avec les rues et commerces désertés par les touristes, mais si l’objectif est de changer la donne pour l’avenir, cela fait partie du coffre à outils. Des plafonds plus bas sur le nombre de chambres d’hôtel? Sur le nombre de croisiéristes simultanés? Sur la taille, le nombre ou la circulation des autobus dans le vieux quartier? Sur la circulation automobile? Un seuil sur les événements bruyants ou sur les boutiques cheap? Je ne saurais dire, mais des villes ailleurs utilisent des outils similaires pour réguler le trop-plein touristique et protéger la fonction résidentielle

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Voir aussi : Arrondissement La Cité-Limoilou, Tourisme.


3 commentaires

  1. jeand Utilisateur de Québec Urbain

    26 juillet 2020 à 11 h 29

    Je regardais afin de retourner dans le coin maintenant que les enfants ont quitté le nid…En gros 100000 de plus pour un tiers de l’espace que j’ai avec pas de piscine,stationnement intérieur et pas d’ascenseur. Je vais rester en banlieue!

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