Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Une maison de la Nouvelle-France bientôt démolie à Québec

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 18 septembre 2019 5 commentaires

Image: Radio-Canada

Jean-François Nadeau
Le Devoir

Une des plus vieilles demeures québécoises n’est pas encore rasée, mais sur le site Internet de la Ville de Québec, on indique qu’elle l’est déjà. La Ville a accordé à ses propriétaires, sans plus de formalité, un permis de démolition au cours de l’été.

Située dans le secteur Neufchâtel, à un jet de pierre de la rivière Saint-Charles, la maison Pasquier date de l’époque de la Nouvelle-France. Elle est l’un des rares témoins encore debout des demeures des 50 000 colons qui vivaient alors aux abords du Saint-Laurent.

Entre juillet et août 2019, la Ville de Québec a accordé trois permis de démolition pour des maisons pourtant répertoriées au registre du patrimoine municipal, rapporte une enquête de Québec Hebdo conduite par la journaliste Perrine Gruson.

La Ville de Québec n’a pas été à même de répondre mardi aux questions renouvelées du Devoir adressées à ce sujet à son service des communications.

Une décision décriée

La Société d’histoire de la Haute-Saint-Charles, la Fédération Histoire Québec et le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) dénoncent à l’unisson la décision de la Ville de Québec d’accorder un tel permis de démolition. « Rien ne justifie de sacrifier un bâtiment pareil », soutient l’avocat Charles Breton-Demeule, de la Société d’histoire de la Haute-Saint-Charles.

« Même si la maison a été modifiée au fil du temps, elle est en bon état et témoigne de l’enracinement d’une famille dans l’histoire de ce pays », explique Breton-Demeule. La maison a été habitée par des descendants de son premier habitant, Philippe Paquet, de 1698 jusqu’à tout récemment. « Ce qui donne environ huit générations d’une même famille dans une même maison », explique Breton-Desmeule. Une filiation vraiment très rare. Une pierre commémorative, en granite rouge, signale d’ailleurs l’intérêt historique de la maison à l’attention des passants.

L’historien Mario Lussier, professeur au cégep Lévis-Lauzon, a conduit des études au sujet des bâtiments du secteur. « Les titres notariés montrent qu’une maison a été vendue à Philippe Paquet à cet endroit le 4 novembre 1698. Est-ce que c’est exactement la même maison dont on parle aujourd’hui ? On peut penser que oui, à cause du toit, des lucarnes, de sa disposition franc sud. On est certain en tout cas que la maison actuelle existait bel et bien en 1733. C’est donc une des plus vieilles maisons à Québec, et une des plus vieilles de tout le Québec. »

Même si la maison a été modifiée au fil du temps, elle est en bon état et témoigne de l’enracinement d’une famille dans l’histoire de ce pays

— Charles Breton-Demeule
La maison Pasquier se trouve à proximité d’une ancienne chapelle. Des processions religieuses se sont longtemps arrêtées là, comme en témoignent des photographies anciennes. « Tout cela ajoute à l’intérêt du lieu », selon l’historien Mario Lussier.

« Inconcevable »

La maison Pasquier est répertoriée au registre du patrimoine de la Ville de Québec, mais ne jouit d’aucune protection particulière malgré ses origines et son histoire. Obtenir un permis de démolition n’a donc été qu’une formalité.

Pourtant, selon la Ville de Québec, « la valeur patrimoniale de cette maison, érigée sur la terre qu’a occupée Philippe Pasquier (Paquet) en 1698, réside dans son ancienneté et son intérêt architectural. Le toit à croupe à pente prononcée ainsi que le plan rectangulaire et les lucarnes à croupe sont des caractéristiques des maisons d’inspiration française construites au Québec aux XVIIe et XVIIIe siècles ».

La maison tricentenaire Pasquier a été habitée jusqu’à tout récemment par les descendants d’une même famille qui se sont succédé pendant huit générations.

La maison, observe la Ville, a perdu certains de ses éléments architecturaux d’origine, modifiés petit à petit par plusieurs générations d’occupants. Mais « considérant plus spécifiquement son ancienneté, la maison possède une bonne valeur patrimoniale et un excellent potentiel de mise en valeur », en arrive à conclure la municipalité, sans que cela l’ait empêché de délivrer un permis de démolition.

Le président du GIRAM, Pierre-Paul Sénéchal, fulmine : « On se demande comment il se fait que les dirigeants de la Ville de Québec, avec ses 400 ans d’histoire, son discours d’accent d’Amérique, en soient venus à ajouter le nom de leur ville à la liste plus que douteuse des organisations municipales ayant fait preuve d’un laxisme inadmissible à ce chapitre. Qui, au sein du conseil municipal de Québec, lancera enfin le signal que tout cela doit finir ? »

« Il nous semble tout à fait inconcevable qu’un bâtiment si ancien et si représentatif de l’architecture traditionnelle québécoise puisse être démoli sans l’intervention du ministère de la Culture et des Communications », plaide l’avocat Charles Breton-Desmeule dans une lettre adressée à la ministre de la Culture Nathalie Roy qui la presse d’intervenir.

Vague de démolitions

Le président du GIRAM affirme que, « depuis plus d’un an, le Québec tout entier est aux prises avec une vague sans précédent de démolitions d’églises, de maisons anciennes et d’autres bâtiments patrimoniaux de grand intérêt ». Selon lui, ces démolitions auraient pu être évitées.

« On se retrouve, dit-il, face à des décisions prises à l’interne ou en catimini par des administrateurs ne brillant pas particulièrement pour leur rigueur et leur vision en matière de développement. Qui s’imagine que des touristes viennent au Québec pour admirer des condos-cubes ? »

L’annonce de la démolition prochaine de la maison Pasquier survient à Québec après la démolition récente de l’église d’inspiration byzantine Saint-Coeur-de-Marie, celle de la maison ancestrale Déry à Charlesbourg, celle aussi de la maison Chalifour-Rainville à Beauport, sans parler de la destruction, par le feu, de la villa Livernois, pour laquelle plusieurs signaux d’alarme avaient pourtant été lancés.

Clément Locat, président de la Fédération Histoire Québec, demande lui aussi à la ministre de la Culture « d’intervenir de toute urgence auprès de l’administration de la Ville de Québec ».

Au moment où ces lignes ont été écrites, le ministère de la Culture n’avait toujours pas été en mesure de répondre aux questions formulées par Le Devoir à ce propos.

Charles Breton-Demeule souhaite que la ministre Nathalie Roy utilise les provisions de la Loi sur le patrimoine pour que, selon l’article 76 de la loi, la démolition de cet immeuble soit empêchée. « Dans le contexte où la Ville de Québec a déjà autorisé la démolition de plusieurs autres immeubles patrimoniaux sur son territoire au cours des dernières années, écrit Charles Breton-Demeule, une intervention du ministère est nécessaire pour éviter la disparition de ce témoin ancien de l’occupation du territoire québécois. »

La suite

La position de la Ville et celle de la Ministre de la Culture Patricia Cloutier (Le Soleil)

Voir aussi : Arrondissement Haute-St-Charles, Histoire, Patrimoine et lieux historiques.


5 commentaires

  1. Joseph Bernier

    18 septembre 2019 à 19 h 13

    Triste jour pour les nostalgiques de l’epoque de la colonie.

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  2. dominic

    19 septembre 2019 à 07 h 37

    On sens un peu de dérision, dans l’usage du mot nostalgie ici… jumelé avec le mot colonie… Mais tsé, même les Américains, pleinement affranchie du statut de colonie depuis 1783, chérissent tout bâtiment de l’époque colonial. C’est pas vraiment le statut politique de l’époque en question qui importe, mais bien les traces des premières formes d’habitations en ce pays. Nostalgie? Non, seulement de la fierté pour qui nous sommes, pour être plus solide dans le moment présent.

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  3. PPDaoust

    19 septembre 2019 à 08 h 23

    Je ne m’y connais pas vraiment, mais les choix de matériaux dans la rénovation extérieure lui ont enlevé toute son authenticité. Pour le commun des mortels comme moi, cette maison n’évoque très malheureusement plus rien de particulier. La décision de la ville m’apparaît donc motivée.

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  4. dominic

    19 septembre 2019 à 18 h 52

    On s’entend qu’une restauration est nécessaire; étalée sur 10 ans, le commun des mortels peut entreprendre la mission (c’est ce que je fais dans St-Roch avec une maison de 1870, je commence ma 7e année de travaux, au gré de ce que mon budget peut me permettre). Sinon, on subventionne, et on restaure par des pros, mais cette option est très chère.

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  5. Janie

    20 septembre 2019 à 09 h 41

    Une vraie honte! Conservez la, remettez lui des murs en pierre de taille et une toiture en ardoise au plus vite.

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