Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


L’avenue du tramway – Chapitre 6: Le temps de l’Expo

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 12 mai 2011 5 commentaires

Enfant, Gilles Néron déménage sur la première Avenue et découvre le tramway, qui sera le fil conducteur de ce récit de sa jeunesse. Un incroyable témoignage.

Épisodes précédents:
L’avenue du tramway – Chapitre 1: Le déménagement
L’avenue du tramway – Chapitre 2: la machine à perche et la 1ere avenue
L’avenue du tramway – Chapitre 3: Jean Béliveau au Petit Colisée
L’avenue du tramway – Chapitre 4: L’Hôpital et le magasin de jouet
L’avenue du tramway – Chapitre 5: La politique et la religion

La Fête du Travail, le premier lundi de septembre, mettait un terme à l’Exposition provinciale qui se tenait juste à côté du terminus de la ligne de tramway. Nous ne manquions jamais cette journée spéciale de la foire malgré notre peu d’argent. Il est vrai que même si nous ne pouvions pas nous payer les jeux mécaniques et les attractions sous les tentes colorées, nous aimions l’ambiance de cet événement. Pour nous décourager mes parents disaient que le show était un attrape-nigaud en citant Bailey qui claironnait que les cirques vivaient des idiots qui naissaient tous les jours. Mais cela ne nous consolait pas vraiment.

Or, il fut une année où Alain et moi avions fait des économies pour l’Expo en épargnant les petits gains réalisés durant les vacances d’été à aider les cultivateurs du marché et les marchands ambulants ou à faire des courses pour les vieilles personnes du voisinage. Nous avions une fortune, quelque chose comme 2 dollars chacun. Fiers d’avoir trouvé un trou dans la clôture du site, ce qui voulait dire une économie importante, nous nous promettions des expériences excitantes. Notre premier choix tomba sur une tente qui présentait un spectacle de rodéo. À un moment donné, un clown amène un âne et demande s’il y a un enfant qui accepte de venir au centre pour faire une démonstration. Alain se lève et court vers la piste sans m’avertir. On le fait monter sur l’animal qui sans hésiter l’envoie valser dans les airs au grand amusement de la foule. Il revient penaud en se lamentant de sa chute sur le sol. Nous sortons après le spectacle pour constater que toute la monnaie qu’il avait dans sa poche arrière est restée sur la piste. Nous revenons réclamer notre dû. Inutile de dire qu’il n’y a pas eu de remboursement, pas même la volonté de recherche à l’endroit de la chute, seulement une menace de nous botter le cul si nous ne déguerpissions pas. Heureusement j’étais resté assis dans l’estrade, ce qui nous a permis de continuer notre virée dans la foire, mais en éliminant les shows dans les tentes et en nous restreignant sur la nourriture. Il nous restait les jeux mécaniques à 5 cents le tour.

Quand je pense à la 1ère Avenue, il me revient ces transports à chaque automne des légumes achetés au marché à l’aide de la petite express pour les réserves de la saison froide. Il fallait plusieurs voyages pour transporter les 10 sacs de patates et les sacs de navets, de carottes et de choux, que nous mettions dans des carrés de sable à la cave.

Qu’importe les tâches familiales, nous trouvions toujours des moments pour nous amuser, mon frère et moi. C’est ainsi qu’un soir d’hiver nous nous retrouvons à la grande épicerie Miville, juste à l’endroit où le tramway tourne une fois passé le pont pour s’engager dans la longue avenue. Mon frère remarque le givre sur la poignée de cuivre et pendant que je fais l’achat de ce que m’avait commandé maman il lui prend la fantaisie de lécher la large poignée de la porte du magasin. Une tentation qui semble-t-il a tenaillé plus d’un enfant. Il faut croire que le frimas sur la dorure de l’objet promettait une sensation particulière. En ressortant, j’entends mon frère crier tout en restant agenouillé au pied de la porte. Je lui dis de cesser de faire l’idiot et je pars dans la direction du retour. Celui-ci hurle de plus belle et reste accroupi contre la porte. C’est alors que je constate que sa langue est collée à la poignée au point où la peau risque de se déchirer. Des clients qui arrivent se rendent à l’évidence qu’Alain a commis l’imprudence de mettre une langue chaude sur du métal froid. Le commerçant surgit en disant : Encore une langue collée. Je vais changer cette poignée qui attrape les enfants.

Il demande à son commis de l’eau chaude et en attendant il commande à Alain de rester tranquille et de ne pas tirer sur sa langue pour éviter que ça saigne. L’eau dégage mon frère qui ne trouve pas autre chose à dire que cette sorte de poignée ne goûtait pas bon. C’est même amer, vos poignées!

Je dis merci et je me prépare à filer tandis que le bonhomme de l’épicerie me dit de prendre mieux soin de mon petit frère. Nous ne nous sommes pas vantés de cette aventure à nos parents.

Je n’étais pas tous les jours dans la rue. J’avais des obligations domestiques comme de garder mes frères, le dimanche, jour de sortie au cinéma de mes parents. Durant les quatre heures que durait le programme double, je devenais un père qui avait une drôle d’idée de son rôle de surveillant. Alors nous nous permettions des jeux que mon père nous aurait interdit comme de sauter sur les fauteuils du salon au point de les défoncer. C’est justement cela qui est arrivé. Après un saut particulièrement réussi le beau divan de velours rouge a fait entendre un bruit de bois cassé qui a refroidi nos ardeurs. Nous avons bien vu que quelque chose de grave s’était produite parce que le coussin du cendre frôlait le plancher. Comment dissimuler la chose? On a remis tant bien que mal le coussin à sa hauteur normale, mais dans la même soirée mon père s’est écrasé à terre sur ce même coussin. J’en ai été quitte pour quelques taloches même si papa a reçu une petite compensation de la part du magasin pour la mauvaise qualité de son Crewler qui lui avait tant coûté.

Il nous arrivait aussi de remplir les heures d’absence de nos parents en jouant aux cuisiniers. C’était des mélanges de tout ce qui nous tombait sous la main. C’est lors de ces temps d’initiatives personnelles que nous nous sommes signalés dans des jeux de rôle principalement quand nous avons peinturé les vitres de la cave en vert pour nous simuler le donjon d’un château du Moyen-Âge. Encore heureux que nous n’ayons pas pensé à faire un feu sur le plancher pour jouer aux pompiers ou que nous n’ayons pas eu l’idée de nous fabriquer un costume de Surhomme dans les combinaison en véritable cachemire de mon père. Parfois je regrette de ne pas avoir osé.

Ah les belles années du 854, 1ère Avenue, celles de la rue du tramway!

Voir aussi : Témoignage, Voyage dans le temps.


5 commentaires

  1. André

    12 mai 2011 à 06 h 36

    « Ah les belles années du 854, 1ère Avenue »

    Aujourd’hui la localisation du 854 se situerais sur quel bâtiment
    de la première avenue et pourriez-vous préciser où était logé la grande épicerie Minville.

    J’apprécie vos témoignages

    Merci

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  2. lacapitaleblogue.com | Suggestions du jour 05/13/2011

    13 mai 2011 à 01 h 32

    […] L’avenue du tramway – Chapitre 6: Le temps de l’Expo | Québec Urbain […]

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  3. Gilles 098 Utilisateur de Québec Urbain

    13 mai 2011 à 15 h 34

    André,

    Vous avez la bonne maison. Le 854 était celui de droite.

    Merci pour la précision

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