Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Que penser des rues piétonnes ?

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 18 juillet 2020 5 commentaires

Martin Claveau
Le Carrefour

Je ne sais pas trop quoi penser de la tendance à faire plus de place aux piétons et aux vélos en ville. Quelle tête dois-je me faire sur cette disposition à fermer les rues aux voitures, à retirer des espaces de stationnements, à élargir les trottoirs et à ajouter des bouts de pistes cyclables ? Est-ce que c’est bon ou pas ? Je ne sais pas non plus s’il existe un vocable précis pour désigner le phénomène, alors j’appellerai ça l’européanisation de la chaussée.

Personnellement, je marche et je roule pas mal. Donc, je serais le public visé et je devrais m’en réjouir. Le problème, c’est que je n’ai jamais eu l’impression de manquer de place pour marcher ou rouler, depuis le temps que j’habite en ville. Alors, est-ce vraiment nécessaire de faire tout ça ? Selon que je me trouve en voiture ou à pied, je module aussi mon point de vue. De la manière dont je perçois ça, le problème tient davantage à la qualité des espaces dont je dispose pour m’exécuter, qu’à leur nombre. Je serais donc, sans doute, con de me plaindre qu’on me donne plus de place pour marcher…

Le problème est aussi que cet espace, que je ne réclame pas tant que ça et qu’on me donne, on l’enlève aux autres. Les autres qui, souvent, sont en voiture et sont, ma foi, assez nombreux. Dans la vie, c’est bien connu, les gens qui gagnent des trucs sont généralement contents, alors que ceux qui en perdent sont tout le temps mécontents.

Ce que je trouve déplorable, quand je circule sur les trottoirs de Québec, c’est de constater à quel point ceux-ci sont souvent maganés, pas qu’ils ne sont pas assez larges ou nombreux. Quand elle était petite et qu’elle commençait à parler, ma fille désignait les trottoirs par l’amusant vocable de «crottoirs». Nous avons beaucoup ri, moi et ma blonde, de voir à quel point une enfant pouvait, par un lapsus involontaire, tellement bien résumer la problématique des endroits où nous marchions ensemble. Ma fille avait raison, sans le savoir, car souvent les trottoirs étaient effectivement de la «crotte» dans notre secteur. Son lapsus se conjuguait au sens propre, car nous contournions souvent de la crotte de chien sur l’accotement, mais au sens figuré également. Les trottoirs étaient souvent tellement endommagés que c’était de la «crotte» aussi. Ça n’a pas vraiment changé depuis. Les trottoirs que j’arpente depuis des années arborent souvent des pentes si prononcées, que pour les utiliser, il serait préférable que j’aie une jambe plus courte que l’autre… Je veux bien que l’on aménage des espaces de qualité aux handicapés, mais les gens comme moi ont aussi besoin de trottoirs. Alors, souvent je préfère marcher dans la rue, quand je peux le faire, pour avoir les deux pieds au même niveau.

Dans le même ordre d’idée, ce que je trouve affligeant quand je roule à vélo sur des pistes cyclables, c’est de rouler entre les bouches d’égout, dans des espaces bourrés de trous et de «patchs» d’asphalte. Ça me donne toujours l’impression de jouer dans les restants de table de la circulation. Je ne parle pas ici des pistes exclusives comme celle de la rivière Saint-Charles, qui est fantastique. Je parle de celles qui ont été installées sur des côtés de rues, qui servaient jadis de stationnement et qu’on a données aux cyclistes pour les faire taire.

Certains sont convaincus, quasi religieusement, que d’européaniser la chaussée est la bonne chose à faire, alors que d’autres s’y opposent farouchement. Pour d’aucuns, il faut libérer la ville et redonner son espace à ceux qui l’habitent. Moi qui habite en ville, j’ai pas mal l’impression qu’il est déjà à moi l’espace et que c’est à moi de m’en servir, mais bon… Alors, je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Je ne sais donc pas si on doit absolument donner plus d’espace aux piétons et aux cyclistes. Toutefois, il me semble qu’on devrait peut-être privilégier la qualité et commencer par leur donner des trottoirs et des pistes cyclables qui ont du sens. Ça serait déjà ça de pris.

La suite

Les trottoirs de l’avenue Royale (Léa Martin, Le Soleil). Un extrait: Si vous vous baladez sur l’avenue Royale dans le Vieux-Beauport, vous remarquerez tout de suite la beauté de ses maisons ancestrales. Mais attention de ne par trébucher sur les trottoirs hétéroclites! Vous y trouverez du ciment lisse, du ciment qui tente d’imiter du pavé, plusieurs types de pavés différents, du vieux, de l’endommagé, du moderne, de l’élaboré et beaucoup de «tout croche». Mais comment se fait-il que dans un quartier historique comme celui-ci, les trottoirs ne soient pas rénovés de façon plus esthétique?

L’avenue Royale

Voir aussi : Art de vivre en ville, Environnement, Transport.


5 commentaires

  1. Dominick P.

    18 juillet 2020 à 14 h 39

    C’était pour respecter la distanciation physique sans avoir à se jeter dans la rue remplie d’autos… Un autre qui a oublié qu’on doit se distancer ? Bienvenue à la 2e vague!!!

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  2. michel

    18 juillet 2020 à 16 h 09

    L’auteur traduit parfaitement ma pensée.
    Le « plus », c’est dans la qualité et non la quantité que ça doit aller.
    Quand un coureur fait plus confiance à la rue qu’au trottoir pour ne pas se blesser …

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    • Insider

      18 juillet 2020 à 20 h 24

      Un jogger peut utiliser les trottoirs, mais un coureur choisira la bordure de la rue ne serait-ce que pour la sécurité des piétons. À Québec la rue en entier appartient aux automobilistes. Misère!

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  3. Dédé

    18 juillet 2020 à 16 h 14

    Effectivement, marcher sur les trottoirs de Québec implique de regarder par terre et non pas le paysage. Tellement plaisant.

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  4. Che

    19 juillet 2020 à 18 h 58

    L’auteur parle de deux concepts qui n’ont pas à être en opposition. Mais je suis d’accord en principe… on ne devrait pas juste « piétonniser » des rues quelques mois dans l’année et dire « mission accomplie »

    J’opposerait plutôt deux autres priorités : la « fluidité » de la circulation automobile et la convivialité pour piétons / cyclistes. Souvent, des décisions prises au nom de la première vont au détriment de la deuxième.

    Des exemples :

    – Feux de circulation optimisés au maximum pour la circulation automobile et pour donner le minimum de temps possible aux piétons / cyclistes.

    – Feux exclusif aux piétons / cyclistes : Quel gâchis. Quand on se sent plus en sécurité dans des villes plus grandes comme Montréal, Toronto ou Vancouver, c’est principalement à cause de ces satanés feux exclusifs.

    – Largeur exagérée des voies de circulation. Plusieurs boulevards sont conçus pour des vitesses plus élevées que la vitesse permise 50km/h (overdesign). Une portion de la voie pourrait être récupérée pour une piste cyclable ou un trottoir plus large. Bonus : ceci a aussi tendance à encourager les automobilistes à circuler plus lentement.

    – Bretelles pour les virages : Les ennemis de tout piéton ou cycliste.

    – Faux aménagements pour piétons / cyclistes. Une bande blanche à terre qui fait à peine la largeur d’un vélo, c’est quasiment plus dangereux. Une piste cyclable bi-directionnelle intégrée à un trottoir, c’est pas winner non plus. Finalement, un accotement délimité par une ligne réservé aux piétons ET aux cyclistes circulant dans les DEUX sens, c’est complètement absurde (oui, je parle de vous, Boischatel).

    – Un controversé pour finir : le virage à doite sur feux rouge. Désolé, après des années d’essai, ainsi que plusieurs accidents potentiels (autant à vélo qu’en auto), je suis convaincu qu’on peu vivre sans ça.

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