Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Montréal échoue là où Toronto a réussi

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 25 février 2019 4 commentaires

Luc-Normand Tellier
Professeur émérite, Département d’études urbaines et touristiques, ESG-UQAM
Le Devoir

Pourquoi Toronto et l’Ontario réussissent-ils là où Montréal et le Québec échouent lamentablement ? Voilà une question susceptible de tenailler tout urbanologue québécois.

La fusion municipale radicale a réussi à Toronto ; elle a échoué à Montréal.

Entre 2006 et 2016, l’étalement urbain mesuré par le ratio (densité de population de la deuxième couronne)/(densité du centre) a régressé de 3 % à Toronto, tandis qu’il a augmenté de 11 % à Montréal et de 19 % à Québec.

Au cours des dernières années, la population du centre-ville de Toronto a été multipliée par 20 ; elle est passée de 10 000 à 200 000 habitants.

En 2018, 23 663 plus d’habitants ont quitté l’île de Montréal qu’il n’y en a eu qui ont quitté la périphérie pour s’établir sur l’île.

Toronto et le gouvernement ontarien vont de l’avant avec la construction de la Relief Line destinée à décongestionner le coeur du réseau de métro de Toronto, alors que Québec refuse d’emblée le projet de la ligne rose visant à décongestionner le coeur du réseau de métro de Montréal.

Au cours des dix prochaines années, l’Ontario compte investir dans le transport en commun cinq fois plus par habitant que le Québec (5650 $ comparés à 1081 $).

Nous sacrifions nos terres cultivables. Nous enlaidissons nos campagnes. Nous congestionnons nos réseaux de circulation en exigeant de les prolonger toujours plus, tout en nous plaignant à longueur d’année du fait que nous n’arrivons pas à les entretenir convenablement

Pendant la même période, le transport en commun accaparera 76 % du budget d’investissements en transport collectif en Ontario et seulement 31 % au Québec, alors que le transport routier représentera seulement 24 % du même budget en Ontario et 69 % au Québec.

Au cours des 25 dernières années, je ne compte plus les rapports, les études, les projections et les articles que j’ai produits annonçant précisément ce que nous observons. D’autres que moi ont aussi alerté les autorités publiques. Cela n’a strictement rien changé.

Un manque de vision

Notre province est sourde quand il s’agit d’entendre raison en matière d’aménagement et d’urbanisme. Nous sacrifions nos terres cultivables. Nous enlaidissons nos campagnes. Nous congestionnons nos réseaux de circulation en exigeant de les prolonger toujours plus, tout en nous plaignant à longueur d’année du fait que nous n’arrivons pas à les entretenir convenablement. Nous ne planifions jamais qu’en ne regardant que la prochaine échéance électorale, tout en nous inquiétant de l’avenir de la planète.

Au fond, le laxisme ne serait-il pas notre principal trait de caractère ? Là où les Ontariens réussissent à faire triompher le bien collectif en matière d’aménagement et d’urbanisme, nous n’écoutons que la voix de nos intérêts personnels de court terme, tout en nous donnant bonne conscience en lançant des campagnes pour sauver nos maisons shoebox et nos bélugas…

Et, dès qu’un investisseur songe à densifier le centre de la région métropolitaine de Montréal en manifestant de l’ambition, on lui tombe dessus à bras raccourci, alors que le même investisseur est accueilli à bras ouverts s’il songe à investir en banlieue… ou au centre de Toronto.

Où allons-nous comme cela ? Demandons-le-nous.

La suite

Voir aussi : S'inspirer d'ailleurs, Tramway à Québec, Transport, Transport en commun.


4 commentaires

  1. PPDaoust

    25 février 2019 à 13 h 41

    Je ne veux aucunement remettre en question les conclusions de monsieur Tellier. Je partage son opinion quant aux carences québécoises au niveau de la planification urbaine. J’aimerais juste faire quelques observations, question d’éviter qu’on s’autoflagelle trop pour rien.

    La première concerne la répartition de la population de Toronto. Cette dernière est l’une des villes accueillant le plus d’immigrants par année au monde. Or, les nouveaux immigrants s’installent généralement plus près des quartiers centraux pour ensuite de déplacer quelque-part dans le golden horseshoe.

    Quant à l’augmentation de la population au centre-ville, cela s’explique en bonne partie, si je ne m’abuse, par le boom immobilier sans précédent des dernières années, lequel a attiré beaucoup d’investisseurs. La même chose est en train de se produire à Montréal depuis quelques années d’ailleurs.

    Puis, il y a le modèle de développement économique entre les 2 provinces qui diffère également. Guy Rocher hier à TLMEP a parlé du fait que le Québec porte une attention particulière au développement des villes en régions, notamment par la répartition des institutions d’enseignement supérieur. En Ontario, corrigez-moi si je me gourre, la population et les services semblent plus concentrés qu’au Québec. Toronto est au cœur d’une mégapole de 8.1M de personnes. Je trouve normal que le TEC y soit davantage financé proportionnellement qu’au Québec, bien que l’écart semble effectivement démesuré.

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    • Alain Manseau Utilisateur de Québec Urbain

      25 février 2019 à 15 h 24

      Analyse judicieuse. Il y a effectivement d’autres éléments pour expliquer l’écart inter-provincial.

      Mais il demeure qu’on sous-investi dans le transport en commun au Québec.

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    • Carl

      25 février 2019 à 23 h 46

      Au contraire – on peut aisément prétendre que l’Ontario compte une armature urbaine mieux développée que celle du Québec, où seulement six régions métropolitaines dépassent les 100 000 habitants alors que l’Ontario en compte 17 – presque trois fois plus pour une population totale qui n’est même pas le double de celle du Québec.

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      • PPDaoust

        26 février 2019 à 09 h 24

        En Ontario, l’armature urbaine regroupe beaucoup de villes parmi les plus importantes au pays, toutes interreliées sur un territoire limitée (le Golden horseshoe). C’est ce qu’il fallait retenir.

        Au Québec, ce qui diffère avec l’Ontario, c’est la plus grande proportion de sa population répartie dans des villes éparses. Parmi ces villes, un faible nombre dépasse 100k, vrai. C’est une situation logique compte tenu que la population québécoise est 40% plus petite qu’en Ontario. C’est une différence significative.

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