François Bourque
Le Soleil
L’image est stimulante et donne à réfléchir sur le genre de ville qu’on souhaite et nos façons d’y arriver.
On y voit une sortie d’un tunnel Québec-Lévis devant ExpoCité, entre le boulevard Hamel et la rue Soumande.
Par-dessus ce tunnel, une autoroute Laurentienne transformée en un boulevard urbain verdoyant en direction de Saint-Roch et du centre-ville.
Les volumes blancs du côté gauche représentent le Centre de foires. Ceux à droite, des immeubles potentiels sur les terrains du centre commercial Fleur de Lys.
Cette image a été vue en haut lieu à la Ville et au gouvernement.
L’hypothèse qu’on y décrit permettrait une sortie de tunnel sans heurts du côté de Québec.
Elle a le mérite de proposer une vision qui intègre les trois grands projets qui vont transformer le paysage de Saint-Roch et de Limoilou au cours de la prochaine décennie et peut-être au-delà : transport structurant, transformation de l’autoroute Laurentienne et sortie de tunnel Québec-Lévis.
Ces trois projets publics sont actuellement traités isolément (ou presque) alors qu’ils visent le même territoire. C’est une aberration.
Le scénario décrit dans notre image est de prolonger le tunnel Québec-Lévis en le faisant passer sous la rivière Saint-Charles et remonter en surface au nord du boulevard Hamel.
Si tunnel Québec-Lévis il doit y avoir et si la sortie doit être dans l’axe de l’autoroute Laurentienne, comme le veut le gouvernement, c’est le seul scénario acceptable.
Toute sortie de tunnel dans Saint-Roch, comme il fut d’abord envisagé par le gouvernement, viendrait saboter les projets de revitalisation autour du parc Victoria ainsi que l’idée d’un boulevard urbain.
Le gouvernement devra se résoudre à prolonger son tunnel jusqu’au nord de Hamel, s’il espère un minimum d’acceptabilité sociale.
La vision de réaménagement du secteur Hamel/Laurentienne, présentée plus tôt cet automne par la Ville de Québec, fait aussi l’hypothèse d’une sortie de tunnel au nord de Hamel.
On utiliserait une même trémie (pente donnant accès à un tunnel) pour la sortie du tunnel de Lévis et pour la sortie de l’autoroute Laurentienne que la Ville prévoit faire passer sous le boulevard Hamel.
Là s’arrête la comparaison.
La Ville prévoit que Laurentienne restera une autoroute jusqu’au sud de la rivière Saint-Charles. On souhaite en embellir les abords par de la végétation, un peu sur le modèle de la promenade Samuel-De Champlain. Mais ça va rester une autoroute.
L’image ci-jointe (que je préfère) évoque un véritable boulevard urbain entre ExpoCité et le centre-ville. Cela permettrait de mieux raccommoder les quartiers Vanier, Limoilou et Saint-Roch.
Un vrai boulevard ferait disparaître les bretelles d’autoroutes et libérerait des espaces à construire, ce qui présente un intérêt urbain et fiscal.
On ne le voit pas sur l’image, mais le scénario d’un tunnel jusqu’à ExpoCité donnerait aux citoyens de Lévis un accès direct à l’amphithéâtre par transport en commun (ou en auto, s’ils tiennent à leur dose de trafic et à un ticket de stationnement).
Ce qu’on ne voit pas non plus sur l’image, c’est que le boulevard urbain permettrait aussi de loger une nouvelle ligne de transport en commun vers ExpoCité, Fleur de Lys, Vanier et éventuellement Lebourgneuf.
Cette vision du centre-ville est stimulante, car elle offre de grandes qualités urbaines.
Elle exigerait cependant beaucoup d’audace et de courage politique, car elle va se buter à de multiples contraintes et objections techniques:
1. Un tunnel plus long de 1,5 km par rapport au scénario initial implique des difficultés techniques et des coûts supplémentaires.
2. Pour les automobilistes qui arriveraient de Lévis, le retour vers le centre-ville de Québec deviendrait très compliqué. Il leur faudrait revenir sur leur pas dans le trafic. Cela réduira l’attrait du tunnel et le nombre d’utilisateurs potentiels.
Ce tunnel, «en as-tu vraiment besoin?» pourrait ici demander le comptable Pierre-Yves McSween.
3. Le boulevard urbain esquissé sur l’image ci-jointe n’aurait pas la capacité d’absorber le volume de trafic de Laurentienne en direction sud. Actuellement, les voitures qui arrivent du nord peuvent sortir à Hamel Est, à Hamel Ouest et à Bourdages, ce qui distribue le trafic.
Concentrer tout ce volume à une seule intersection (Hamel/Laurentienne) ne pourrait pas fonctionner, me dit-on. Sans parler du risque de refoulement des voitures jusque dans les bretelles de l’autoroute Félix-Leclerc. Le ministère des Transports ne voudra pas prendre ce risque.
4. Le gouvernement voudra-t-il payer un tunnel «surdimensionné» aux fins du transport en commun jusqu’à ExpoCité pour servir quelques dizaines de spectacles par année à l’amphithéâtre?
On peut penser que la plupart des utilisateurs du transport en commun sous-fluvial descendront au centre-ville et prendront l’ascenseur (ou escalier roulant) pour atteindre les sorties des stations D’Youville, Jean-Paul-L’Allier ou pôle d’échanges Saint-Roch.
5. Lier le projet embryonnaire et hypothétique de tunnel Québec-Lévis à des projets plus avancés (tramway) ou plus faciles à réaliser (transformation de l’autoroute en boulevard urbain) risque de retarder épouvantablement les deux autres.
Combien de temps faudrait-il se priver des deux autres pour attendre le tunnel?
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On peut tous jouer à Sim City et redessiner la ville et le projet de transport structurant. On finirait tous par trouver des idées intéressantes et viables pour bonifier le projet.
Espérer un projet parfait est cependant utopique