Régis Labeaume
La Presse
Si j’étais dans la trentaine, ou même dans la quarantaine, je pesterais et haïrais les générations qui m’ont précédé. Ça donnerait les Y et les Z contre les X, et surtout les maudits baby-boomers. J’aurais le sentiment que ces derniers se sont servis, ont les fesses bien installées dans leur cabane, et n’ont rien prévu pour nous.
Ce choc générationnel est la conséquence d’une grande injustice : l’incapacité financière actuelle pour un très très grand nombre de jeunes et moins jeunes adultes d’acquérir un logis.
Pour beaucoup, ils réussissent en plus à se faire plumer avec des coûts de location qui tiennent presque de l’usure, et qui obligent certains à devenir des Tanguy, à retraiter sous le toit familial. Humiliant.
Au total, cela veut aussi dire l’impossibilité de commencer à se créer un patrimoine pour la suite du monde, de leur vie.
Ce problème a un nom : la rareté.
(…)
D’autant qu’il faut combattre les fonctionnaires québécois qui s’amusent depuis longtemps à empiler les règlements, à un point tel que la construction de logements, pour un investisseur et une ville, se transforme en parcours du combattant.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, une poignée de voisins peuvent facilement déclencher un référendum et tuer un projet d’habitation, parfois sous des représentations douteuses, alors qu’un gouvernement municipal s’est justement fait élire, dans l’intérêt général, avec l’engagement de densifier la ville à l’intérieur d’un périmètre d’urbanisation sur lequel il a consulté, et qu’il a adopté démocratiquement.
Mais évidemment, les conditions de celui-ci ne sont pas immuables, par exemple, le zonage peut et doit s’adapter et être modifié quand les conditions changent et l’exigent.
Un de ces exemples douteux : vous déboisez un secteur, identifié toujours dans ce périmètre d’urbanisation, et planifiez un quartier d’habitation. Vous construisez une première phase et des citoyens s’installent dans les premières rues. Lorsque débute la planification de la phase suivante, les premiers installés exigent que vous cessiez la construction et que vous ne touchiez pas à « leur » bois.
« C’est parce que l’année passée, mon chum, là où tu habites, c’était un bois, et y a d’autres humains qui cherchent à se loger, comprends-tu ça ! »